L'immunité, l'exception, la mort [4/4]

En septembre 2020, nous publiions une série de trois articles d’Olivier Cheval : L’immunité, l’exception, la mort, penser ce qui nous arrive avec Roberto Esposito, Giorgio Agamben et Michel Foucault. Il s’agissait de décrypter et d’éclairer la situation d’exception que nous vivions à partir des travaux de philosophes qui, chacun à leur manière, l’avait anticipée et pensée. Cette semaine, un an et trois vagues plus tard, Olivier Cheval revient avec ce quatrième volet pour décortiquer le dispositif du passe sanitaire à partir de l’œuvre méconnue du philosophe tchécoslovaque Vilém Flusser. Si nous avons quelques réserves quant à certaines conclusions, c’est la meilleur analyse de la séquence gouvernementale et du sens à donner au passe sanitaire que nous ayons lu jusqu’à présent.

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Un passe sanitaire numérique est donc désormais demandé à l’entrée des bars et des restaurants, des cinémas et des théâtres, des musées et des salles de sport, des boîtes de nuit et des centres commerciaux, des TGV et des avions. Pour voyager, pour se divertir, pour se rencontrer, il faut pouvoir prouver son innocuité virale à l’aide d’un ensemble de carrés noirs et blancs lisible par une machine dotée d’un capteur photographique et d’une liaison internet, ensemble qui a été nommé Quick response code et que l’on surnomme, pour tendre à devenir aussi rapide que la machine, un QR code. Ce dispositif de tri et de contrôle vise officiellement à inciter le plus grand nombre à la vaccination : plutôt qu’une politique nationale de vaccination obligatoire, l’État a choisi le chantage par la menace faite à chaque individu d’une privation de son droit à la sociabilité et à la circulation dans l’espace public. L’aboutissement de cette politique de la menace sera le déremboursement des tests, sauf prescription médicale, au mois d’octobre, afin que seules les personnes vaccinées ou contaminées depuis moins de six mois soient en mesure d’accéder à ces lieux et services. Les personnes non-vaccinées devront payer le prix d’un test pour obtenir trois jours de sursis, faute de quoi, comme au temps des confinements, elles seront privées des lieux dits non-essentiels. Alors même que tous les autres pourront en jouir.

Le passe sanitaire n’est pas d’abord, contrairement à ce que son nom semble indiquer, un dispositif sanitaire : il prive les non-vaccinés d’accès à certains lieux parmi les plus spacieux et les plus ouverts, comme les terrasses et les musées, pour…

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Auteur: lundimatin