Le 12 Décembre est paru aux excellentes éditions abrüpt Contre-nuit de Lucien Raphmaj, où théorie et poésie se mélangent, pour promettre « des mutations nocturnes à nos idées ».
En voici un des textes, dont les éditeurs ont pensé qu’il pourrait nous aider à traverser le solstice. Une invitation à ré-apprendre à voir le monde, depuis la nuit, en compagnie notamment de Blanqui, de mouches, de James Lovelock et de bactéries.
Le péril croît. Rien ne sauve. On est revenu des mondes pleins de sosies de l’astronomie sans socialisme de Blanqui.
Blanqui s’est trompé. Ce ne sont pas les étoiles infinies qui sont des mondes futurs, passés et à venir où tous les possibles se réalisent et où, peut-être, l’anarchie triomphe parfois. Une telle idée n’est que la faible reprise matérialiste d’un Paradis placé infiniment loin. Blanqui, enfermé, s’est refait un paradis plus lointain que l’Éden. Véga de la Lyre, c’était déjà quelque chose. Mais ce n’était pas assez. Il l’a multipliée dans un plurivers indéfini. Autour de chaque étoile de la nuit étoilée.
Or, le Jardin, désolé, obscurci par les cendres, est ici.
Et c’est chaque chose, chaque être qui est un monde.
Autant de mondes que d’étoiles vivantes sur Terre.
Autant d’étoiles mortes, autant de Terres déshabitées, avec la nôtre pour triste paradigme ? Non pas.
Veut-on être consolé ? Non pas.
Il faut en revenir.
Revenir de tous ces paradis.
Refaire la nuit.
Nous autres, peuple de revenants.
Nous autres, revenants du ciel, de l’éternité, de l’immortalité, des mondes infinis. Autant d’idées morbides qui ont permis d’enfoncer dans les crânes l’idée d’un progrès, d’une croissance sans limites. Qui ont fait de la politique une pensée hors sol. Hors imprévu. Hors terre. Hors monde. Hors étrangeté. En dehors de tout dehors.
La tristesse inhérente aux illimitations mêlées d’exclusions tout aussi terribles et radicales de cette idéologie s’est diffusée dans presque tout l’écoumène.
Ce que promet l’anarchisme cosmopolitique de la contre-nuit, c’est la conscience de l’entropie.
Notre classe (effondrée) aujourd’hui est celle du désastre.
Atomisée. Dépossédée.
Qu’elle en prenne conscience.
Voilà tout ? Non pas.
Ce n’est rien. Ça ne relie en rien.
Pourtant la pression mortelle sur nos vies est là, sur le plus vivant et le plus précaire.
On nous dit qu’il reste à formuler une utopie. Une cristallisation. Un réactif imaginaire qui fait bouillonner les 99 %.
Des désirs épars…
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Auteur: lundimatin