L’intelligence artificielle pour mieux recruter… vraiment ?

Les outils intégrant des algorithmes mobilisant l’intelligence artificielle (IA) ont progressivement gagné toutes les étapes du processus de recrutement. En 2018, déjà, 64 % des 9000 recruteurs interrogés dans une étude en ligne déclaraient les utiliser parfois ou souvent dans le cadre de leur activité. 76 % pensaient que cette technologie aurait dessus un impact significatif. Une enquête plus récente suggère même un lien entre IA et performance : 22 % des entreprises les plus performantes ont recours à un recrutement « prédictif » ou « augmenté », contre 6 % des organisations les moins performantes.

De quoi s’enthousiasmer ? Les promesses faites par les acteurs du marché sont très importantes : du temps de gagner, des profils mieux identifiés, des stéréotypes éliminés… Au-delà, se posent néanmoins de nombreuses questions techniques, éthiques et juridiques.

Pour y répondre, un projet de règlement de l’Union européenne (« AI-act ») est en préparation. Il classe d’ailleurs les systèmes destinés à être utilisés pour le recrutement ou la sélection de personnes physiques dans la catégorie des « systèmes d’IA à haut risque », celles qui ont des effets potentiels sur les droits fondamentaux. Des règles spécifiques d’information détaillée, de mise en conformité préalable, et d’audit régulier sont prévues pour ces systèmes.

Même si le droit du travail français et les textes européens présentent des règles générales qui visent à protéger les candidats à l’embauche, Un règlement européen sur l’IA apparait indispensable. Le constat actuel est celui d’un vrai décalage entre les nombreuses promesses d’efficacité et d’objectivité de ces outils et les rares études scientifiques traitant de ces sujets pourtant fondamentaux. Leur capacité à réduire les discriminations est notamment encore largement à prouver.

Plus efficace, plus rapide, plus inclusif

Les solutions intégrant l’IA concernent aujourd’hui toutes les étapes du processus de recrutement, avec à la clef pour chacune d’elles des promesses d’avantages pour les organisations qui les mettent en place : avantage économique en étant plus rapide et productif au moment de choisir son futur salarié (certains développeurs de ces solutions de recrutement affirment même diviser par quatre le temps nécessaire pour finaliser un recrutement) ; avantage technique en pouvant traiter un grand volume d’information et effectuer des classements selon les critères que l’on souhaite ; avantage éthique en échappant aux stéréotypes mobilisés par les recruteurs humains lorsqu’ils découvrent un CV ou une lettre de motivation.

Au moment de rechercher des candidats, phase dite de « sourcing », la collecte automatisée d’informations en ligne sur les candidats potentiels (le « web scraping ») est présentée comme un gage d’amélioration de l’adéquation entre les besoins de l’entreprise qui recrute et le profil des candidats. Les algorithmes d’analyse vont rechercher des données repérables sur les CV mais aussi des informations récupérées sur les réseaux sociaux, qui sont supposées permettre d’inférer certains traits de personnalité ou compétences particulières chez les candidats potentiels.

Au cours de la présélection des dossiers, des chatbots, à l’instar de Randy, le robot conversationnel développé par Randstad, proposent des tests personnalisés et orientent les candidats vers les métiers les mieux adaptés. L’expérience candidat en serait améliorée, grâce notamment à la diminution du stress ressenti et à la ludification de l’expérience vécue. Pour l’entreprise, il y a là une possibilité de réorienter l’activité des recruteurs vers des tâches plus qualitatives et complexes, en les débarrassant d’étapes très chronophages.

En ce qui concerne la phase d’entretiens, les outils d’analyse automatique de vidéos, que le candidat peut parfois faire seul, sont en plein développement. L’entreprise américaine HireVue propose par exemple d’évaluer les réponses données sur la base des expressions faciales et de la posture corporelle. L’entreprise suisse Cryfe propose quant à elle d’analyser « l’authenticité » des personnes en étudiant leurs signaux verbaux et leur gestuelle.

Le tout prétendument sans activer de stéréotypes portant sur l’apparence…

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Auteur: Christelle Martin-Lacroux, Professeure des universités en sciences de gestion / comportement organisationnel, Université Grenoble Alpes (UGA)