L'intolérable du présent, l'urgence de la révolution – minorités et classes

Henri : Ton nouveau livre s’appelle L’intolérable du présent, l’urgence de la révolution – minorités et classes. C’est un livre sur les notions de révolution, de lutte et de classe. En suivant le fil des révolutions du XXe siècle jusqu’aux révoltes les plus récentes, et les théories qui les accompagnent, tu argumentes que nous avons tendance, depuis quelques décennies, à oublier la notion de révolution. D’après toi, un moyen de la faire resurgir, c’est de transformer le discours des minorités, des « différences » sociales ou politiques, en élargissant le concept de classe. Tu parles par exemple de la classe des femmes, de la classe des colonisés, pour désigner la forme politique de ces luttes. Pourquoi ce retour à la notion de classe ? Maurizio : Depuis la crise de 2008, j’essaie de réintroduire dans le débat les concepts de guerre et de révolution. Ils ont été toujours au centre des préoccupations des révolutionnaires, alors que, depuis un certain temps, ils ont été marginalisés. Guerre et révolution sont les deux alternatives que le capitalisme pose encore et toujours, comme on est train de voir en ce moment. La guerre en Ukraine n’est pas celle d’un autocrate contre la démocratie, mais elle exprime les affrontements entre impérialismes qui surgissent à fin du cycle d’accumulation commencé au début des années 70 avec les guerres civiles en Amérique du Sud. Les premiers gouvernements néo–libéraux étaient composés des militaires et des économistes de l’école de Chicago. Nous retrouvons à la fin du cycle économique ce qu’il avait fait démarrer : la guerre entre États et les guerres de classe, de race et de sexe.

En ce qui concerne la révolution, le plus grand problème qu’elle a rencontré à partir des années soixante, c’est la question de la multiplicité. Multiplicité des rapports de pouvoir, (capital-travail, hommes-femmes, blancs-racisé-e-s), multiplicité aussi des modes de production (capitaliste, patriarcal-hétérosexuel, racial-esclavagiste). Cette multiplicité n’a pas émergé en 68, elle existe depuis la conquête des Amériques qui commence en 1492, mais c’est seulement au XXe siècle que la subjectivisation politique des mouvements des colonisés et des femmes a affirmé son autonomie du mouvement ouvrier.

Cette multiplicité a été au centre des théories critiques des années soixante et soixante-dix (les minorités chez Deleuze et Guattari, ou bien chez Foucault la population et l’individu, ou encore chez Negri la multitude comme…

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Auteur: lundimatin