Liquider l'or

Liquider l’Or nous raconte ce qui se passe « ailleurs » mais nous arrive partout. Vouloir jeter des pierres sur son patron, dégueuler dans un sac et sur ses propres pompes, marcher dans la boue, fréquenter le vide, rencontrer des gens. Et bouffer du mercure.
C’est le premier roman de Victor Taranne que nous connaissions jusqu’à présent sous une autre appellation dans les pages de lundimatin. Il a paru en octobre aux éditions Dynastes et nous vous le recommandons tellement qu’en voici les bonnes feuilles.

« Le contact est venu me chercher à l’aéroport en taxi. Nous étions deux muets qui refusent de se regarder, lui devant, la langue morte, et moi derrière, le regard tourné au-dehors. Un dehors muet lui aussi, impénétrable et transparent. Le taxi roulait à travers les formes inconnues d’une ville où je n’étais jamais allé, où je n’avais jamais voulu aller, un lieu inconnu comme le monde peut l’être parfois pour celui qui s’en détourne, avec ou sans raisons.

*Mes raisons à moi concernaient celles et ceux qui vivent. Ils étaient là et elles aussi. Je les voyais avec leurs petits corps décharnés, mobiles comme des cafards, le souffle court parfois. Marche lente, rythmée, cadence d’insectes presque écrasés déjà. Leur temps à eux, à elles, du temps à prendre, une colonie à repeupler, je ne sais pas, ça m’effraie. Je n’étais pas là pour pactiser avec mes semblables ni pour boire un jus de fruit, grignoter un sandwich. Faire du sexe un peu, sait-on jamais. Se divertir ? Oui, pourquoi pas. Et après ? Partir, traîner des pieds, revenir. La mécanique des gens : imperturbable. Et la chaleur… déraisonnable. Sous ma chemise les lourdes gouttes de sueur perlaient de la nuque jusqu’au caleçon, tout trempé. L’air, ce brasier étouffant les narines, la gorge, le souffle, le corps. Et là, à même la rue, des étals sur lesquels sont vendues des choses. Oui le soleil permettait ceci, laissait cela, la vie dehors au regard de tous, dénudée, oppressante, productive.

Là-bas rien ne m’enchantait et j’aurais inventé n’importe quoi pour rentrer. Cette mission, quel ennui. Donc j’avançais à reculons. Une véritable traînée coulante. Un truc qui colle au goudron, indétachable. Flasque. Je savais le nom du pays, je savais sa langue aussi et puis quelques bouts d’histoires, une guerre ancienne avec l’embêtant voisin du nord. Je savais la littérature de là-bas : Gloria. Une seule écrivaine, une obscure écrivaine. Je l’avais presque oubliée, et pas fini son…

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Auteur: lundimatin