L'Irlande peine à arrêter d'exploiter ses tourbières

Kilcar (Irlande), reportage

La scène pourrait figurer en photo dans un guide touristique de l’Irlande. Assis sur une chaise de son pub au nom éponyme, John Joe Byrne saisit quelques briquettes noires de tourbe et les jette dans le foyer de sa cheminée. Elles proviennent de son stock personnel. « Ma parcelle est en haut d’une colline là-haut, mon père l’a obtenue dans les années 1930 », raconte le patron d’un des trois pubs de la commune rurale de Kilcar, dans le comté du Donegal. « C’était un chouette moment d’aller couper la tourbe. On faisait brûler la tourbe séchée de l’année dernière pour faire cuire des œufs et du thé qu’on partageait avec les familles travaillant dans les parcelles à côté », se souvient John Joe, avec un petit sourire, derrière ses lunettes carrées.

Dans cette commune de quelques centaines d’habitants dans le sud du comté du Donegal, les tourbières enserrent l’horizon. Les collines nues sont sillonnées par des routes tortueuses, peuplées de troupeaux de moutons et recouvertes par un manteau de végétation rase, humide, spongieuse. Au milieu de ce paysage lunaire, de vastes tranchées découpent les flancs des montagnes et des petites pyramides de briquettes de tourbes attendent le timide soleil. « On appelle ça les mettre sur pied (« footing turf ») pour les sécher », explique Maurice Hegarty, fort de sa longue expérience de coupeur de tourbe. « J’ai appris l’art de couper la tourbe avec mon père quand j’étais un gamin. On n’avait pas de radiateur, c’était la seule manière de se chauffer ! » Un combustible qui assurait un peu de chaleur à des millions d’Irlandais vivant dans la misère.

Maurice Hegarty a manié sa sleán pendant une soixantaine d’années mais a désormais pris sa retraite de coupeur de tourbe.

Maurice Hegarty est l’un des derniers de la paroisse à savoir couper la tourbe à l’aide d’une sleán, (« bêche de tourbe » en gaélique irlandais) un outil spécialement pensé pour la découpe efficace des briquettes sombres. « C’est un art de couper la tourbe, souligne le sexagénaire, un art mourant, mais un art. » Le travail commence tous les ans vers la fin avril ou au mois de mai, après les dernières gelées. « La première chose à faire est de délimiter la tranchée qu’on va couper, pour moi c’est à peu près 60 cm de large sur 140 mètres de long. Vous enlevez la partie supérieure de la tourbière où se trouve la végétation, et vous la jetez dans la tranchée de l’année précédente,…

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Auteur: Tudi Crequer Reporterre