L'irruption de la grande distribution dans le bio menace son éthique

Thomas Besnier est gérant d’un magasin bio indépendant.


Dès le début des années 1960, des alertes mondiales ont été données quant aux conséquences sur la santé et l’environnement de l’agriculture intensive et ses pesticides. En France, l’association Nature et Progrès a vu le jour en 1964, et créé le premier cahier des charges de l’agriculture biologique en 1972-1973 – un an avant la première campagne écologiste pour la présidentielle, incarnée par l’agronome René Dumont.

Le marché de la distribution des produits bio s’est développé dans la foulée de cette sensibilité écologiste naissante, autour d’un réseau de magasins historiques indépendants, portant des valeurs fortes, telles que la préservation de l’environnement (sols, biodiversité), l’attachement à la production saisonnière, le respect du droit du travail en vigueur, le développement d’une économie locale et solidaire favorisant le lien social plutôt que le profit.

Dans les années 2015, les polémiques autour des pesticides se sont enflammées, notamment dues à l’hécatombe des abeilles. Le bio a commencé alors à croître de 20 % par an, selon l’Agence bio, attirant la voracité de la grande distribution. Pour ne pas éveiller les soupçons de la clientèle, elle a multiplié les rachats d’enseignes bio… imposant à ce secteur de profondes mutations structurelles qui menacent son éthique.

La « mer de plastique » d’Almeria, image d’un bio vidé de ses valeurs

Qu’il s’agisse d’Intermarché, devenu actionnaire des Comptoirs de la bio en 2018 ; de Carrefour, propriétaire, depuis 2018, de So.bio, chaîne régionale de magasins bio, de Greenweez, leader français de l’e-commerce bio, depuis 2016, et de Bio C’Bon, depuis novembre 2020 ; ou encore du Groupe Casino, propriétaire de l’enseigne Naturalia depuis 2008… Toutes ces enseignes de la grande distribution veulent se faire les champions des prix bas.


Capture d’écran Google maps de la région d’Almeria et de ses serres à perte de vue, la fameuse « mer de plastique ».

Que se passe-t-il dans les coulisses de cette guerre des prix ? D’abord, fini le souci de relocaliser l’agriculture pour faire vivre les producteurs locaux et éviter l’inflation de gaz à effet de serre liée aux transports routiers. La grande distribution s’approvisionne dans de grandes exploitations étrangères, comme la « mer de plastique » d’Almeria — dans cette région du sud de l’Espagne, des dizaines de milliers d’immigrés travaillent dans des…

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Auteur: Reporterre