L'ivresse des communards

Les discours réactionnaires, drapés d’ « oripeaux scientistes », ont tenté de discréditer et de dépolitiser les Communards en accusant leur supposée ivrognerie comme principale motivation. Dès lors, la lutte contre l’alcoolisme est utilisée pour stigmatiser les classes laborieuses et régénérer la nation, par les politiciens et les médecins. Cette obsession de la dégénérescence prépare le terrain à l’eugénisme et touchera jusqu’aux anarcho-individualistes et aux néomalthusianistes. Mathieu Léonard, loin de vouloir faire de la Commune un modèle d’abstinence, tente de faire la part des choses à une époque où le vin et l’alcool ne manquaient pas et dont la consommation était plus hygiénique que celle d’une eau rarement potable.

« L’alcoolisme dont on a taxé les communards a servi de lieu commun réactionnaire pour dénigrer leur lutte. En effet, dans une certaine littérature versaillaise, l’alcool est un outil symbolique servant à discréditer la conduite désinhibée du prolétariat qui bouleverse l’ordre social. Certains détracteurs ne s’encombraient pas de nuances et décelaient dans l’ivrognerie la cause même de l’insurrection parisienne. D’autres en font d’abord le stigmate d’une décadence morale affectant le pays entier et ayant contribué à sa défaite face à la Prusse. »

Les partisans de Thiers, en assimilant la révolution à l’alcoolisme, évitent toute discussion sur les causes sociales et économiques de l’insurrection. Les publications des médecins hygiénistes et aliénistes ont également joué un rôle considérable dans la pathologisation des communards et « dans la propagation du discours de stigmatisation de classe, autorisé de sa plus-value scientifique  » : « L’argument scientifique consolide le récit conservateur qui vise à disqualifier le prolétariat en brandissant l’épouvantail des classes dangereuses menaçant les hiérarchies fondamentales – la famille, la religion, la propriété. » La Commune permet à l’Académie de médecine de transformer l’ivrognerie en problème politique, selon un diagnostic amorcé en 1848. La psychiatrisation de la contagion révolutionnaire et de ses protagonistes permet de « dépolitiser la Commune en la réduisant à l’action coordonnée de “fous démagogiques“ qui entraînent dans leur sillage une masse de crétins abrutis d’alcool surgis des bas-fonds  », et de justifier le bain de sang comme seule issue possible à cette « folie collective ».

Mathieu…

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Auteur: lundimatin