Lolium temulentum : l'ivresse de la zizanie

Semer la zizanie n’est pas abîmer l’ordre dans un quelconque chaos, mais révéler, par le végétal, tout ce qui l’obstrue. Voici une tentative, entre ontologie et politique, de renversement des évidences sédentaires, agricoles, productivistes que le régime de savoir moderne impose à la réalité qu’il domine, tout en rappelant à notre bon souvenir que l’ivraie et la zizanie, avant d’être les éléments moraux de quelques expressions populaires, sont des êtres vivants qui croissent malgré l’industrialisation de nos mondes

1. La zizanie n’est pas l’ivraie, mais le désordre demeure l’ivresse des potentialités d’une réalité radicalement autre. Le geste des semailles, quel que soit le bon grain dont il puisse se revendiquer, n’apportera jamais au monde que l’illusion d’un ordre calqué sur les travestissements productivistes de la croissance.

2. Le terme zizanie, dont l’origine grecque (ζιζάνιον) désigne confusément le lolium temulentum, l’ivraie enivrante, terme venant lui-même du latin ebriaca (ivre), place dans la langue un symptôme du lien possessif au territoire, stigmatisant ce qui croît, différemment, ce qui pousse silencieusement parmi la nécessité de la productivité pour finir par lui nuire. L’ivraie fait voir l’inconscient moral du productivisme qui inscrit dans la langue une fonction de discrimination entre ce qui vit pour fructifier et ce qui vit sans but. L’ivraie est une vie qui diverge de ce qui prime pour l’humain moderne, à savoir sa recherche de production. L’ivraie révèle le désordre du réel, celui d’une nature dénaturante retrouvant le sens incertain du devenir, contre toute détermination à la fructification (α).

3. La confusion qui s’opère dans la langue française entre la zizanie et l’ivraie rappelle que toute langue est fluide, puisqu’elle adopte la forme de son contenant, c’est-à-dire, depuis le néolithique, que la langue des humains a la…

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Auteur: dev