Oublions la fable du Développement durable, véritable cache sexe de toutes les politiques actuelles, pour nous intéresser au coeur du problème, la volonté de passer à marche forcée d’une série de systèmes agricoles à un autre. Nous sommes donc très loin du simple « verdissement » de l’agrobusiness que dénoncent les écologistes.
Le temps n’est plus à ce que les tenants du modèle dominant campent sur une posture défensive, eux aussi soutiennent que ce modèle a fait faillite, qu’il a détruit les écosystèmes, qu’il est incapable de nourrir l’ensemble de l’humanité, eux aussi considèrent qu’il faut tourner la page. Mais plutôt que de remettre en cause les logiques dominantes, ils proposent d’aller encore beaucoup plus loin dans la même direction, ils font le choix d’une marche forcée vers « toujours plus » de productivisme et de biotechnologies. Cette OPA des lobbies s’est faite par l’affaiblissement des grands acteurs traditionnels comme la FAO (Fond agricole mondial) ou le CSA (Comité spécial agriculture) qui est l’organe habituel de préparation des décisions de l’ONU, jugés trop à l’écoute des alternatives paysannes, comme l’agroécologie, au profit d’une main-mise de nouveaux acteurs privés sur l’ONU dont l’AGRA (Alliance pour la révolution verte en Afrique) fondée et financée par les Fondations Bill et Melinda Gates et Rockefeller, « L’Initiative pour une agriculture durable » (SAI) fondée par Danone, Nestlé, Unilever, dans le cadre de la « Nouvelle vision de l’agriculture » lancée par le Forum économique mondial de Davos avec le soutien d’un consortium d’entreprises transnationales… Le symbole de cette OPA réussie a été la nommation de la directrice de l’AGRA comme envoyée spéciale, c’est à dire directrice, du Sommet de l’ONU : nous sommes passés ainsi en quelques années de Jean Ziegler, ancien porte-parole de la FAO et pourfendeur de l’agrobusiness, à Agnes Kalibata, avocate du techno-productivisme et peu sensible à la Déclaration des Nations-Unis sur les droits des paysans (UNDROP) au point d’avouer qu’elle ne comprend pas ce que droit des paysans veut dire. L’Internationale paysanne, Via campesina, avait d’ailleurs demandé sa révocation à l’ONU.
Ce nouveau Système alimentaire mondial, curieusement plus conjugué au singulier qu’au pluriel, doit donc être pris très au sérieux non seulement par les paysans du monde entier mais par les mangeurs que nous sommes tous… A lire les actes de ce Sommet on ne peut qu’être inquiet. Nous…
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Auteur: Paul ARIES Le grand soir