Celia Izoard est journaliste indépendante, membre du groupe Marcuse (La Liberté dans le coma, rééd. 2019) et auteure de Merci de changer de métier : lettres aux humains qui robotisent le monde (2020). Lors de la dernière Fête du Vent organisée par l’Amassada à la fin du mois d’août 2021, elle a donné une conférence consacrée à la gestion sanitaire de la pandémie de Covid-19 en France, et plus largement, à l’impact des intérêts capitalistes sur les politiques de santé publique.
Celia Izoard introduit son propos en remontant à l’époque de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, le 26 septembre 2019. 10 000 tonnes de produits chimiques partent en fumée : reprotoxiques, mutagènes, cancérigènes… La population locale constate des effets directs sur la santé : crises d’asthme violentes, vomissements et diarrhée, pertes de capacité respiratoire qui perdurent… « Ce qui est frappant, dès le départ dans cette catastrophe, c’est que très rapidement la préfecture a déclaré qu’il n’y avait pas de toxicité aiguë, en jouant délibérément sur les mots : pas de toxicité aiguë, ça veut juste dire qu’on ne va pas mourir tout de suite en respirant cet air. »
Les angles morts de la santé publique
Celia Izoard se lance dans une série d’enquêtes, et constate qu’il y a toute une catégorie de la population qu’on a obligé à travailler ce jour-là, malgré les nuages de fumée très dense. Les services de communication de la préfecture opposent toujours la même réponse à la journaliste : « Mais voyez-vous, l’air était complètement respirable ce jour-là. » La situation, mise en parallèle avec la crise sanitaire dans lequel le monde est plongé depuis début 2020, interroge lourdement sur la vocation de l’État à protéger la santé des citoyen·nes.
À ce moment-là, j’ai commencé à m’intéresser au cancer, pour plusieurs raisons. La première, c’est que je me demandais si on pourrait montrer un jour que l’incendie de Lubrizol a eu un impact. Pour l’instant, la version officielle c’est que non, on ne peut rien prouver, rien montrer. La seconde, c’est que comme dans d’autres endroits en France, près de Rouen, il y a des parents et plus particulièrement des mères de familles dont les enfant sont atteints de cancer et qui constatent des taux anormaux de cancers de l’enfant dans leur entourage – ce qu’on appelle un cluster. Elles alertent Santé Publique France, qui vient faire une enquête. Le plus souvent, l’agence de santé constate la surincidence…
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Auteur: Jude Mas