L’ordre étasunien en Irak, une malédiction aux effets durables

Il y a 20 ans jour pour jour, les États-Unis lançaient une guerre totale contre l’Irak. Ayant pour objectif de dessiner les contours d’un « Grand Moyen-Orient » soumis à l’ordre occidental et allié d’Israël, l’expédition militaire en Irak constitue sans doute l’un des plus grands crimes de notre siècle. Elle fut suivie d’un pillage spectaculaire des ressources du pays et de la destruction brutale des infrastructures de l’État.

Dans cet article, Robin Beaumont, docteur en science politique, examine plus particulièrement l’ordre politique mis en place par les États-Unis en Irak et dont pâtissent aujourd’hui encore les Irakiennes et les Irakiens.

***

Vingt ans après le lancement de l’intervention menée par les États-Unis pour renverser le régime de Saddam Hussein, l’Irak incarne un paradoxe : le paradoxe d’un pays qui, tout en ayant connu la première grande guerre « illégale » du 21esiècle, l’impérialisme étasunien dans sa dimension la plus violente, le nœud d’une polarisation confessionnelle régionale, un nombre de morts que l’on ne saura jamais chiffrer – entre 100 000 et un million – , mais aussi le cœur du califat de l’État Islamique, semble dans le même temps être tombé dans l’oubli.

Volontiers classé dans la catégorie des États « faillis », l’Irak subsiste à peine, dans l’imaginaire commun international, comme le cas d’école d’un pays condamné à la violence, à la corruption et au confessionnalisme. Dans cette histoire rabougrie, la société irakienne, les dynamiques politiques qui la traversent, sont comme oblitérées par l’obsession étrangère pour la lutte contre l’extrémisme, la défense de la « stabilité », l’endiguement du « réveil chiite » et les considérations géopolitiques. L’Irak semble ainsi condamné à demeurer à la fois l’une des matrices les plus importantes de la région, et son point aveugle. 

L’Irak des deux dernières décennies est un État captif : captif de l’ordre politique produit par la guerre de 2003. Cet ordre se traduit par plusieurs grandes dynamiques, dont les effets perdurent jusqu’aujourd’hui : l’annihilation de l’appareil d’État et son remplacement par de nouvelles élites rentrées d’exil, l’édification d’un système politique fondé sur un principe partage ethno-confessionnel, le verrouillage et la communautarisation du pouvoir. Dans le même temps se développent un certain nombre de réalités que l’intervention américaine n’avait pas anticipées :…

La suite est à lire sur: www.contretemps.eu
Auteur: redaction