L'Ukraine au péril du général Hiver

Arkhip Kouïndji. — « La Raspoutitsa d’automne », 1870.

Avant les glaces, la pluie est le cauchemar des militaires des deux bords : leurs engins, surtout les blindés, peuvent difficilement manœuvrer quand la « petite raspoutitsa », la « saison des mauvaises routes », se déclare à l’automne : une boue qui peut transformer les offensives ukrainiennes en calvaire : « Même avec les engins modernes du génie, c’est un phénomène compliqué à compenser », relève Thibault Fouillet, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). La « grande raspoutitsa » du printemps, à l’heure du dégel, peut être encore plus handicapante pour les manœuvres : en février et mars dernier, aux débuts de l’intervention russe, elle avait ralenti l’avancée des blindés et occasionné des pertes importantes.

En tout cas, la période sera celle d’un ralentissement général des opérations, qui ne fera les affaires ni des Ukrainiens, dont les offensives de ces dernières semaines pourraient marquer le pas, ni des Russes, contraints pour leur éventuelle retraite de miser sur les quelques axes manœuvrables mais donc facilement identifiables par l’ennemi. Entre les deux offensives de la boue, le gel, en durcissant les sols, redonnera de la mobilité aux soldats, mais compliquera la logistique, avec un surcroît de réparations, ravitaillement, chauffage…

Lire aussi Christophe Trontin, « En Russie, le mot “guerre” n’est plus tabou », Le Monde diplomatique, octobre 2022.

Durant ces mois d’automne et d’hiver, l’ensemble de la population ukrainienne, visé ces deux dernières semaines par des frappes russes de missiles ou de drones dirigées contre les installations électriques ou indistinctement contre des immeubles, fera face à des difficultés d’éclairage, de communication, de chauffage, d’accès à l’eau, de ravitaillement et de transport. Le brusque changement de la stratégie russe à partir du 10 octobre — des bombardements quotidiens sur l’ensemble des villes d’Ukraine — a permis la destruction dès la première semaine de plus d’un tiers des centrales électriques du pays, avec des coupures de courant massives.

Coûte que coûte

Selon le responsable Europe de l’Est de la Banque mondiale, Arup Banerji, un quart de la population ukrainienne pourrait basculer dans la pauvreté d’ici la fin de l’année — une proportion qui doublerait d’ici la fin 2023 si le conflit perdure. D’après le Haut-Commissariat pour les réfugiés…

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Auteur: Philippe Leymarie