L’économie russe « va retourner vingt ou trente ans en arrière », assurait récemment l’ancien conseiller économique du gouvernement russe Sergeï Gouriev. Selon le professeur des universités à Sciences-Po Paris Bertrand Badie, les menaces d’exclusion de la Russie du système global et les perspectives d’anéantissement économique constituent une nouvelle forme de dissuasion. Auteur des Puissances mondialisées : repenser la sécurité internationale, Bertrand Badie analyse les grandes lignes de force internationales qui émergent avec la guerre en Ukraine.
Assiste-t-on, à l’aune de la crise ukrainienne, à la naissance d’une nouvelle ère sur le plan international ?
Il faut se méfier des formules qui frappent l’imagination dans des périodes de troubles. On verra, lorsque la fièvre sera retombée, quelles seront les conséquences d’un événement dont on ne peut qualifier la nature aujourd’hui.
Il y a des tendances qui se dégagent. Lors du vote à l’Assemblée générale des Nations unies, est apparue une coupure entre le Nord et le Sud, une sorte de second Bandung, la grande conférence afro-asiatique de 1955 qui cherchait à s’émanciper de la bipolarité imposée. Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’une bipolarité imposée mais de conflits dénoncés comme étant des querelles internes au monde ancien et dont ils ont peur de devoir payer le plus gros de la facture parce que les conséquences économiques et humanitaires de cette crise seront beaucoup plus fortes là où les souffrances sociales sont les mieux installées. C’est une tendance négligée parce que l’idée que le Sud est une périphérie reste dominante.
La seconde conséquence de ce conflit réside dans la physionomie de l’Europe. Je n’irai pas jusqu’à dire que l’Europe a réussi en quelques semaines une intégration et une convergence qu’elle n’avait pu atteindre pendant des décennies. Personne ne peut prédire ce que sera l’Europe des 27 à la fin de cette crise. On ne sait si les divisions d’antan ne reprendront pas le dessus. En revanche, pour la première fois depuis 1945, on assiste à une certaine distanciation des États-Unis. L’Otan s’est construite sur l’européanisation des États-Unis, leur installation, pas seulement militaire, sur le continent. Aujourd’hui, si la superpuissance américaine suit les événements, on la sent moins impliquée, et l’Europe a vraiment le sentiment de se retrouver de l’autre côté de l’Atlantique.
De même, la crise avec la Russie, qui n’a jamais été intégrée…
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Auteur: Bertrand BADIE Le grand soir