L’Union européenne en Syrie : un discours trop complaisant ?

Si l’UE a longtemps prôné la fermeté face au régime de Bachar Al-Assad, coupable depuis 2011 de nombreux crimes de guerre avérés à l’égard de son propre peuple (le bilan humain est estimé entre 306 000 et 610 000 victimes), ce n’est plus réellement le cas.

Au nom du pragmatisme, la délégation de l’UE pour la Syrie – qui a déménagé à Beyrouth en 2012 et dont le rôle est de promouvoir les valeurs européennes et de superviser localement la politique de l’UE en matière de relations extérieures et d’aides – tend dernièrement à changer de ton à l’égard du pouvoir syrien en place. Avec quelles conséquences ?

Une fermeté qui n’a duré qu’un temps

En juillet 2011, six mois après le début de la révolution syrienne, Catherine Ashton, alors Haute Représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, exige le départ de Bachar Al-Assad, en accord avec la stratégie adoptée par les États-Unis et une majorité de pays européens, dont la France et le Royaume-Uni, au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.

De son côté, le président américain Barack Obama définit en août 2012 une « ligne rouge » à ne pas dépasser par le régime de Damas, sous peine de conséquences dévastatrices : l’utilisation d’armes chimiques.

Pourtant, l’attaque de la Ghouta orientale en avril 2013 reste sans conséquences, Washington décidant de s’abstenir d’intervenir. Un revirement qui annonce celui, progressif, de l’UE.

En effet, à partir de 2015, la peur d’une « crise des réfugiés », couplée aux premiers succès de l’intervention russe et à l’implantation de « zones de désescalade » en Syrie, conduit l’UE à adopter une ligne essentiellement centrée sur les sanctions économiques et l’aide humanitaire. Elle écarte ainsi la possibilité d’essayer de faire preuve d’influence politique pour faciliter la résolution du conflit.

À cette période, comme le constatent le chercheur Dimitris Bouris et l’ancien chef de la délégation de l’UE pour la Syrie Anis Nacrour, « l’UE réduit sa marge de manœuvre au rôle de partenaire financier et fournisseur d’assistance technique aux initiatives de médiation des Nations unies ».

Ce revirement européen observé dès l’automne 2015 n’a pas été sans conséquences pour la stratégie de communication des alliés de Damas qui, constatant que les Occidentaux ne réclamaient plus avec la même vigueur le départ d’Al-Assad, se mirent à affirmer que ce dernier avait gagné la guerre – et ce, malgré la persistance de violences systématiques, voire génocidaires, imposées au peuple syrien par le régime.

Syrie : l’aide humanitaire de l’UE, 24 avril 2018.

Actuellement, l’UE, qui a adopté progressivement l’idée d’un plan de « réhabilitation précoce », est fortement impliquée en Syrie aux côtés de l’ONU, qui continue à demander un cessez-le-feu associé à une solution politique à l’initiative des Syriens depuis l’adoption à l’unanimité par les membres du Conseil de sécurité de la résolution 2254 en décembre 2015).

Cette coopération se manifeste notamment dans la conférence annuelle sur l’aide à apporter pour l’avenir de la Syrie et des pays de la région : en mai 2022, 6,4 milliards d’euros ont ainsi été mobilisés.

Mouvements diplomatiques récents au sein de la délégation de l’UE en Syrie

Jusqu’à l’automne 2021, la délégation de l’UE en Syrie restait discrète quant à la composition de son équipe, ses activités et ses déplacements à Damas. Sa page Facebook affichait essentiellement des informations relatives aux acteurs de l’UE engagés en Syrie ainsi que dans les pays limitrophes.

Effective dès septembre 2021, la nomination à sa tête du diplomate roumain Dan Stoenescu inaugure une nouvelle ère en termes de relations diplomatiques, d’engagements humanitaires et de stratégie de communication.

Moins d’un mois après son arrivée, 12 photographies mettent en scène son premier déplacement officiel à Damas, où il rencontre Imran Raza, coordinateur résident des Nations unies, de même que des représentants d’agences d’aide humanitaire dont la Croix-Rouge, le PNUD, l’OMS et le Programme alimentaire mondial, des diplomates bulgares, roumains, grecs, omanais,…

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Auteur: Élise Daniaud, PhD candidate on Syria/Russia/Middle-East, LUISS Universita Guido Carli