Les éditions UV ont fait paraître le mois dernier l’ouvrage The Great Offshore. Art, argent, souveraineté, gouvernance, colonialisme du collectif RYBN. Ainsi que l’écrit l’éditeur : « Le collectif RYBN.ORG traque les manifestations physiques et concrètes de la finance offshore dans les territoires sur lesquels elle opère. […] De la politique des proxys à l’extractivisme spatial et à la marchandisation des communs, en passant par la citoyenneté par investissement et le marché de l’art, tout nous indique que la « gouvernance offshore » est devenue la norme, qu’elle est le capitalisme globalisé. »
Nous publions ici un article extrait de cet ouvrage collectif, consacré aux freeports, entrepôts offrant de stocker sur le long terme des œuvres d’arts directement sur le tarmac des aéroports pour ainsi échapper aux taxes. « Si, sous le capitalisme, l’argent est le pouvoir de commander le travail d’autrui, alors les espaces utopiques comme les freeports représentent l’apogée de la capacité du capital à déraciner la richesse du monde. »
J’ai visité l’utopie de l’argent : ce n’est pas seulement l’utopie de ceux qui ont de l’argent, c’est l’utopie de l’argent lui-même.
Niché dans les routes sinueuses d’une zone industrielle, à côté du tarmac de l’un des aéroports les plus fréquentés d’Asie, à deux pas de la garnison de la police de l’air et des frontières, le Freeport de Singapour s’est isolé de ses voisins derrière des rangées de barbelés. C’est un entrepôt de luxe, spécialement conçu et hautement sécurisé, dans lequel les ultra-riches encryptent leurs œuvres d’art.
Sur invitation seulement, vous pourrez parler aux gardes par un interphone, franchir plusieurs portiques de sécurité ultramodernes et pénétrer dans l’enceinte du bâtiment rouge et noir. Vous passerez ensuite par une batterie de postes de contrôle plus rigoureux que dans n’importe quel aéroport. Vous remettrez votre passeport par un tiroir à un garde invisible dans un bureau situé de l’autre côté de la glace sans tain. Un personnel courtois vous donnera l’ordre de vider vos poches dans une petite boîte et d’en placer leur contenu, ainsi que vos sacs, dans une machine à rayons X, tandis que votre corps passera par le scanner corporel L3.
La sécurité n’est que l’objectif secondaire de toute cette infrastructure, m’a expliqué le gardien, sincère, tandis qu’il me conduisait dans l’immense atrium du Freeport, enchevetré dans une énorme sculpture commandée spécialement à Ron Arad (qui porte le titre sinistre de la Cage sans…
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Auteur: lundimatin