Lutte contre le complotisme : l'école généralisée ?

Enseignant en lycée depuis 28 ans, je constate chaque jour l’influence des thèses complotistes, notamment sur le COVID. Mais les réponses proposées par mes autorités de tutelle me paraissent contre-productives : je m’en explique dans cette tribune.

Il ne se passe plus un jour désormais sans que le parfum de scandale de propos conspirationnistes ne vienne pimenter la revue de presse quotidienne : comme toute saveur épicée, on finit par s’y habituer. Peu à peu, les rôles se précisent et le scénario se stabilise : alors que les complotistes plus ou moins professionnels s’installent dans une posture de provocation organisée, les pouvoirs publics, doublement flanqués des « experts » et de certains médias, se changent en maîtres d’école. Ainsi la pièce a-t-elle des chances de jouer à guichets fermés (si l’on peut dire en ces temps de black-out culturel) pendant assez longtemps. Comme dans une dispute rituelle de couple, les partitions se répondent selon une ordonnance stricte. Au pavé dans la mare (le vaccin contient des puces électroniques, la 5G transmet le coronavirus, Hillary Clinton dirige un réseau satanique dans l’arrière-boutique d’une pizzeria) répondent les coups de règle sur les doigts : ces gens n’ont pas bien compris, il faut leur réexpliquer la leçon, en commençant par les faits. Debunkage, fact checking, sont les maîtres mots (anglo-saxons) de ce discours du maître. Les « fautes » sont soulignées en rouge sur la copie.

Bien sûr, les coups de menton ne sont pas sans accompagner les coups de règle ; et derrière la rectification du vrai se profile une remise dans les rangs somme toute morale –sinon politique. Foucault nous avait appris que toute affirmation de la raison, comme à l’âge classique avec Descartes, serait inséparable d’un geste de police (au sens de gouvernementalité) : « Mais quoi, ce sont des fous, et je ne serais pas moins extravagant si je me réglais sur leurs exemples ». Rien que de justifié, si on en juge par les excès des brigades trumpistes et les dégâts sanitaires potentiels des anti-vaccins : le gouvernement français aurait donc…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin