Lyon : un herboriste en procès pour de multiples agressions sexuelles

Quand les gens ne comprennent pas pourquoi je n’ai pas interrompu la séance, ou encore pourquoi je n’ai pas « dit quelque chose » pour faire stopper l’agression, j’essaie de leur expliquer avec un exemple de la vie courante.
Pour moi il se joue un peu la même chose que quand tu te retrouves à la caisse d’un magasin et qu’on t’annonce un prix plus élevé que ce à quoi tu t’attendais avec tes trois articles : t’as pas envie de l’acheter ce truc qui coûte cher, c’est pas ça que t’avais prévu, mais en fait t’oses pas dire non. Parce que t’es déjà à la caisse, et qu’il y a des gens derrière toi, et que le seul truc normal à faire dans ce moment-là c’est de payer. T’es déjà dans l’engrenage.

Et oui, moi tout au long de cette agression, il y a des choses qui me passent par la tête et qui devraient vraiment m’alerter, comme : « je vais pas ouvrir les yeux parce que j’ai peur de le voir en train de se toucher ». Alors que pour le coup ça aurait mis un terme à l’ambiguïté, ça aurait rendu la situation réelle. Je détestais chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, je détestais son ton de voix mielleux, qui me disait « Détendez-vous, vous êtes trop tendue », et moi je me disais « Évidemment connard, t’as vu ce que t’es en train de me faire ? ». Donc je me disais des trucs très explicites quand même. Mais dans le même temps je me dis aussi « t’es en train de paranoïer, il fait son travail », ou « si je l’accuse à tort c’est quand même grave ». En fait à ce moment-là, mon activité cérébrale est extrêmement intense. Plein de choses tournent dans ma tête et ça abasourdit. Et évidemment je me disais aussi « Si je pense à autant de trucs, c’est que ça va pas », mais il y a toujours ce doute : est-ce que je suis pas en train de me tromper ? Et puis je me retrouve quasi nue, dans une arrière-boutique fermée, avec une lumière tamisée, recouverte d’huile. Pour dire quelque chose, il faut un minimum d’assurance. Et plus t’es engagée dans ce truc-là, plus le temps passe, plus c’est difficile de dire stop. T’as l’impression d’avoir déjà trop accepté pour dire non. Et c’est ce qui fait que les personnes qui subissent ça, même après coup, ont du mal à en parler : c’est que tu te sens coupable d’avoir rien dit. Et j’ai l’impression que, plus tu tardes à parler, plus tu tardes à agir, plus t’as du mal à te débarrasser du sentiment de culpabilité. Et plus le traumatisme est profond.

La honte est…

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Auteur: lundimatin