En 2006, lorsque Diam’s sort Ma France à moi, la France vient de traverser une crise sociale d’ampleur : les émeutes de l’automne 2005, déclenchées par la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois, ont mis en lumière la colère des quartiers populaires face aux discriminations, au racisme institutionnel et aux violences policières. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, parle de “racailles” et promet le Kärcher. C’est dans ce climat de stigmatisation généralisée que Diam’s, rappeuse originaire d’Orsay, prend la parole avec un texte frontal et revendicatif. Elle redessine les contours d’une France qu’on refuse d’écouter : celle des jeunes, des enfants d’immigrés, des précaires, des oubliés du récit national.
Diam’s s’inscrit dans une lignée de rappeurs et rappeuses qui, bien avant elle, ont fait du rap un espace de dénonciation sociale : NTM, IAM, ATK, La Rumeur… Ma France à moi prolonge cette tradition, et en remet au goût du jour les codes, dans un moment où le rap commence à se formater pour les radios. Digne héritière de ces voix contestataires, Diam’s insuffle à ce morceau une intensité politique rare dans le rap féminin de l’époque, tout en le portant à une large audience notamment adolescente, féminine, issue d’espaces jusque-là moins exposés aux discours radicaux du hip-hop. Le morceau redonne une existence politique à des milliers de jeunes qui entendent quelqu’un parler de leur France : celle des cités, des foyers, des HLM, des cultures métissées, de la débrouille, du rejet et de la rage. Ce n’est pas une rupture dans le rap, mais un déplacement du terrain de jeu : une percée dans les radios, les télés, les classes moyennes un cri qui fissure l’imaginaire sarkozyste de la “banlieue à problème”, cette caricature d’un monde à surveiller et punir.
« Ma France à moi elle parle fort, elle vit à bout de rêves »
Près de vingt ans plus tard,…
Auteur: Farton Bink