Macron, incarnation de la « théorie des paradoxes » et de ses limites ?

Depuis très longtemps, le concept de paradoxe est mobilisé et utilisé dans de nombreuses disciplines scientifiques (psychologie, histoire, anthropologie…). Il a notamment pris une place importante en management et en sciences de gestion pour expliquer les organisations et leurs stratégies. Il offre une grille de lecture intéressante au moment d’essayer d’analyser l’approche stratégique d’Emmanuel Macron en matière environnementale.

Wendy Smith et Marianne Lewis, deux chercheuses américaines reconnues pour leurs travaux sur ce sujet, définissent le paradoxe comme une « contradiction reliant des éléments qui semblent logiques lorsqu’ils sont pris isolément mais qui deviennent irrationnels, inconsistants, voire absurdes, lorsqu’ils sont juxtaposés ».

La « théorie des paradoxes » se fonde sur l’idée que les individus et organisations sont en permanence confrontés à des situations paradoxales et à des injonctions contradictoires indissociables. Elle met en lumière les tensions provoquées par les paradoxes au sein des organisations par exemple faire cohabiter projets à court terme et projets à long terme, rechercher une meilleure qualité tout en augmentant les quantités, offrir plus d’autonomie aux personnes tout en les contrôlant, pratiquer la coopétition avec des compétiteurs

Les chercheurs Marshall Scott Poole and Andrew H. Van de Ven ont montré dans leurs travaux qu’il existait quatre stratégies possibles pour répondre aux tensions qui découlent de ces paradoxes : la séparation spatiale entre les deux phénomènes contradictoires ; la séparation temporelle ; la synthèse ; et enfin l’acceptation de leur existence.

Le « en même temps » macronien, une approche par les paradoxes

La « théorie des paradoxes » telle qu’elle existe en sciences de gestion offre une grille de lecture qui s’adapte particulièrement bien à la méthode stratégique d’Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron n’est pas le premier président français à devoir affronter des situations paradoxales. Deux éléments marquent cependant une différence avec les situations antérieures. D’abord, les interactions croissantes et chaque jour plus complexes entre les activités humaines ont des effets collatéraux de plus en plus difficiles à maitriser et multiplient les tensions. Surtout, Emmanuel Macron, en revendiquant une approche mettant en avant la complexité des choses et la nécessité de mener les projets « en même temps » a adopté une approche qui fait écho aux principales caractéristiques de la théorie des paradoxes.

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Selon cette approche, dans le cadre d’un paradoxe, les deux phénomènes contradictoires qu’il faut gérer ne sont pas dissociables et il n’est donc pas possible de choisir entre l’un ou l’autre. Le paradoxe se distingue sur ce point du dilemme qui concerne deux injonctions entre lesquelles il est possible de choisir. En réaffirmant l’indépendance de la France tout en faisant la promotion d’une Europe plus souveraine, en s’opposant à l’invasion russe en Ukraine tout en continuant de dialoguer avec Vladimir Poutine ou en essayant d’élargir sa majorité tout en poursuivant la mise en place de certaines mesures clivantes de son programme de 2022, Emmanuel Macron met en place des stratégies qui font coexister deux phénomènes contradictoires.

La méthode « macronienne » face à la question environnementale

Emmanuel Macron utilise la même méthode au moment d’aborder la question de la préservation de la planète et de la pérennité de notre modèle de croissance économique.

L’écologie et la défense de l’environnement ont été présentées comme des priorités de l’action publique par Emmanuel Macron lors de son élection de 2017 et dans le cadre de sa réélection de 2022.

Malgré la présence de Nicolas Hulot comme ministre de l’Environnement et un programme présenté comme ambitieux et volontariste, le bilan écologique du premier quinquennat a été jugé sévèrement par les principales organisations aux avant-postes du combat environnemental. En 2022, Emmanuel Macron a pourtant réaffirmé son ambition en la matière et le caractère prioritaire de cette question en rattachant le secrétariat de la planification écologique…

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Auteur: Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande École