« Mais l'insurrection est un art »

Entre 1851 et 1862, Marx et Engels contribuent au journal états-unien The New-York Daily Tribune. « Mais l’insurrection est un art », écrivait Engels ; le journalisme de combat pratiqué par les deux penseurs, aussi. Ils entendaient infléchir le cours de l’histoire, plutôt que de le commenter. Leurs articles, en partie inédits en français, constituèrent un laboratoire pour mettre à l’épreuve leurs hypothèses.

Que faire, au lendemain de l’écrasement du printemps des peuples de 1848, alors que l’horizon révolutionnaire s’éloigne, qu’on est en exil, isolé, sans le sou et sans perspectives immédiates ? Pourquoi ne pas devenir correspondant pour un lointain journal états-unien dont on ne partage pas les idées et dont on ne connaît pas les lecteurs ? Tel fut, en tout les cas, le choix et le pari de Marx – aidé en cela par Engels qui écrivit plusieurs articles – en devenant, plus de dix ans durant, de 1851 à 1862, le correspondant à Londres du New York Daily Tribune. Ce qui se présentait de prime abord comme un travail alimentaire fut également, comme l’analyse bien l’introduction, un laboratoire pour mettre à l’épreuve ses hypothèses, affiner son style, participer, fut-ce prosaïquement, aux tentatives d’infléchir le cours de l’histoire plutôt que de la commenter (page 17). Avec ce volume, les éditions sociales commencent la publication de l’ensemble des articles, dont une part importante est inédite en français, qui ont notamment contribué à ce que Marx revoie sa vision linéaire de l’histoire.

La première partie, écrite par Engels, mais signée par Marx, analyse la révolution et la contre-révolution en Allemagne dans les années 1848-1850. Le récit des événements est surtout l’occasion de mettre en avant un nouveau narratif : « Cela fait bien longtemps qu’est révolue l’époque où l’on attribuait avec superstition les révolutions à une poignée d’agitateurs malveillants. Tout le monde sait aujourd’hui que là où il y a convulsion révolutionnaire, il doit y avoir, à l’arrière plan, un besoin social dont des institutions obsolètes empêchent la satisfaction ». Et les causes de cet « empêchement » à l’origine des soulèvements se trouvent « dans les conditions d’existence d’ensemble et dans l’état social général » (page 60). La contre-révolution est dès lors conçue comme « une réaction de l’État contre la société » (page 165). Mais ce nouveau narratif est lié à un changement de focal : il ne s’agit plus de renverser la domination « de simples  »tyrans »,  »despotes » ou…

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Auteur: dev