« Malgré tout, nous sommes toujours debout » : en Syrie, une oasis en quête de liberté dans un désert totalitaire

Des dizaines de femmes sont rassemblées devant la mairie de Kobané sous un soleil de plomb. « Laissez-nous entrer ! » crie l’une. « Nous n’avons pas d’électricité ! » lance une autre. « Nous voulons de l’eau ! » Le militaire en faction finit par les laisser passer. À l’intérieur de la « maison du peuple », Rewshen Abdi, comaire de la ville, regarde la scène d’un air las. « Chaque jour, des personnes viennent se plaindre… et c’est normal. Nous avons tellement peu de moyens que nous ne pouvons pas servir correctement la population. »

Début 2015, la bataille menée par les combattants kurdes à Kobané devenait le symbole triomphal de la résistance face à Daech et l’emblème de la « révolution du Rojava », le Kurdistan syrien. Dans la foulée de la victoire, les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition militaire à forte dominante kurde, devenaient les alliées de l’Occident pour mener la guerre au sol contre Daech. La défaite territoriale finale du « califat », en mars 2019, laisse aux FDS le contrôle d’un territoire largement plus étendu que le Rojava kurde, baptisé Nord-Est syrien (NES). Couvrant près d’un tiers du pays, pour 4 millions à 5 millions de personnes, il est géré depuis par l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (Aanes).

Dans le viseur de la Turquie, Kobané se reconstruit

En ce matin de mai 2021, les signaux visuels expriment une réalité bien plus nuancée. En face de la mairie de Kobané, un grand portrait de Bachar Al-Assad toise les villageoises en colère. Dans le ciel de plomb lourd du printemps déjà caniculaire, deux hélicoptères russes anthracite patrouillent. Sur la frontière bétonnée, à deux pas, le drapeau rouge sang de la Turquie menace. Dans la ville, les portraits d’Abdullah Öcalan, leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, turc). et inspirateur du projet de « confédéralisme démocratique » et de coexistence des peuples porté par l’Aanes, sont bien plus discrets que par le passé.

Car, après la victoire contre Daech, les États-Unis ont trahi les Kurdes. En retirant leurs troupes, ils ont ouvert la porte à l’invasion par la Turquie d’une bande de 100 kilomètres de large et 30 kilomètres de profondeur, qu’elle revendique comme « zone de sécurité » contre la présence de combattants du PKK en Syrie. Kobané pourrait être la prochaine cible, comme les autres villes kurdes de la région proches de la frontière avec la Turquie. Pour contrer l’offensive, les FDS ont alors…

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Auteur: Pierre Bonneau