Manouchian n'est pas un héros de « roman national »


Mieux vaut tard que jamais, dira-t-on, en termes de reconnaissance historique – et sans doute est-ce ce que se sont dit les gens très estimables qui ont soutenu cette initiative en dépit d’un comité de parrainage plus que douteux [1] et d’un argumentaire pour le moins problématique.

Le problème que pose cet argumentaire, c’est qu’il enrôle Missak Manouchian, post mortem, dans un catéchisme républicaniste et un « amour de la France » qu’aucun fait historique n’atteste, au mépris de ce que furent sa vie, ses idéaux et ses motivations réelles – qui, elles, sont établies et documentées.

Inepte historiquement, régressif même, le texte d’appel paru lundi 21 janvier 2022 dans Libération tente de faire revivre un mythe qu’on croyait mort et enterré grâce à six décennies de recherche historique, celui d’une France unanimement résistante :

« Il y a 78 ans mouraient donc, pour la France, pour la République, en « Français de cœur », en « Français par le sang versé », en Français par l’héroïsme et le mérite, ceux qui avaient été arrêtés par les Brigades spéciales de la préfecture de police et remis aux Allemands. Ces derniers tentèrent de les couvrir d’infamie en les réunissant sur « l’Affiche rouge » qui, au contraire, fit d’eux aux yeux des Français, des héros. »

La scandaleuse mystification qu’il y a dans ces lignes, c’est d’abord l’effacement de toute culpabilité française : cette idée grotesque, et honteusement révisionniste, selon laquelle « les Français », unanimes, ont résisté à la propagande nazie, se sont sentis solidaires des « terroristes » stigmatisés par « l’affiche rouge », et les ont même érigé en « héros » – comme s’il n’y avait pas eu de « bons Français » attentistes, vichystes, xénophobes, antisémites, délateurs, collabos, et comme si tout ce beau monde n’était pas pour beaucoup dans le sort des…

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Auteur: Pierre Tevanian