Maraîcher, j'ai déserté le capitalisme

Mathieu Yon. © Enzo Dubesset / Reporterre
Le néopaysan Mathieu Yon est chroniqueur pour Reporterre. Il vous raconte régulièrement les joies et les déboires de son installation dans la Drôme en tant que maraîcher biologique en circuit court.


Les discours répétitifs sur le réchauffement climatique semblent incapables d’infléchir nos modes de vie, comme si la réalité annoncée restait au niveau de l’idée et qu’elle n’arrivait pas à descendre dans nos perceptions et nos corps.

Les récits sur l’effondrement du vivant, les récits sur les manières de bifurquer sont nombreux. Ils changent nos existences à la marge, dans des espaces réduits et fragmentaires, comme nos manières de voyager ou de consommer. Ou ils proposent une grande rupture avec le système capitaliste sans parvenir à passer l’épreuve du temps et s’essoufflent dans la nuit.

Entre l’écologie des petits pas et l’écologie du Grand Soir, il y a peut-être une autre piste, qui pourrait se formuler ainsi : nous n’avons pas besoin de récit, nous avons besoin de réel. Notre comportement individuel sera toujours insuffisant par rapport à la gravité de la situation, et nous ne pouvons pas attendre une grande bifurcation qui en finirait une fois pour toutes avec le capitalisme. Ces deux formes de récit n’offrent rien d’autre que de la bonne conscience et de la mauvaise foi.

L’enjeu du temps présent n’est pas d’écrire un nouveau grand récit capable de contrer le propos capitaliste de l’accroissement sans fin des richesses, de remplacer une illusion par une autre illusion. L’enjeu, c’est de retrouver le réel.

« Une bataille pour retrouver le réel »

Qu’est-ce que le réel ? Je ne me risquerai pas à une définition, qui tomberait à son tour dans les travers d’un nouveau récit. Je propose une autre piste : celle de l’engagement du corps. La sensation et le vécu de notre propre corps sont réels, et il ne s’agit pas d’un discours ou d’une fabrication mentale. Nous pouvons douter de beaucoup de choses : de notre identité, de nos idées, de nos choix, mais nous pouvons nous appuyer sur le sentiment profond que nous donne le corps, et que les philosophes appellent le « sentiment d’exister ».

Le sentiment d’exister exprime un rapport au monde unique et singulier, un rapport impossible à reproduire ou à imiter. Le sentiment d’exister est notre foyer. C’est le lieu de toutes les expériences, de toutes les possibilités. C’est le lieu du concret et du réel. Il y a mille et une manières de…

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Auteur: Reporterre