Marcel Gauchet : « La résurgence de l’État-nation peut devenir la matrice de la recomposition droite-gauche »

Historien, philosophe et ancien directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, Marcel Gauchet est notamment l’auteur du Désenchantement du monde (1985) et de Avènement de la démocratie (quatre tomes, 2007-2017). Il a publié au mois d’octobre 2021 La droite et la Gauche. Histoire et destin (Paris, Gallimard, coll. « Le Débat ») et Macron, les leçons d’un échec : Comprendre le malheur français II (Paris, Stock). Voix de l’Hexagone l’a rencontré, à trois mois de l’élections présidentielle, pour aborder l’évolution du clivage-gauche et les perspectives des forces en présence dans le paysage politique français.

Propos recueillis par Ella Micheletti et Pierre-Henri Paulet.


Voix de l’Hexagone : Vous venez de faire paraître concomitamment une réédition augmentée de votre texte La Droite et la Gauche. Histoire et Destin publié pour la première fois en 1993, et une suite de vos entretiens avec François Azouvi et Éric Conan, sous le titre Macron, les leçons d’un échec. Il est difficile de ne pas tirer un trait d’union entre ces deux ouvrages. Estimez-vous qu’il était temps de se repencher sur la dialectique droite-gauche cinq ans après le triomphe du « et de droite et de gauche » d’Emmanuel Macron ?

Marcel Gauchet : Ce qui justifie d’associer ces deux livres, dans mon esprit, c’est le fait que l’élection d’Emmanuel Macron, quoi qu’il arrive, aura représenté une date dans l’histoire de cette opposition droite-gauche. Le général De Gaulle se voulait certes « au-dessus des partis », mais son parti incarnait clairement la droite, ne serait-ce que par son opposition virulente à la gauche. Emmanuel Macron assume l’existence du clivage tout en affichant l’ambition de l’enjamber. C’est une nouveauté qui traduit une évolution des identités politiques méritant d’être interrogée. Quelque chose s’est passé, le succès de la formule l’atteste, qu’il s’agit de comprendre. Macron ne se revendique pas du centre, Il admet l’existence d’une droite et d’une gauche, mais il en prend les deux termes, en se voulant non pas « ni de droite, ni de gauche » mais « et de droite et de gauche ». De ce point de vue-là, il y avait lieu de se demander ce qui avait rendu possible l’acceptation par une part majoritaire du corps électoral français de cette manière de mettre à distance, sans le nier, le clivage droite-gauche. Et puis il y avait lieu, parallèlement, d’examiner la politique réellement menée pour…

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Auteur: Ella Micheletti