Le texte de Paul Mattick, Les limites de l’intégration, l’homme unidimensionnel dans la société de classe, récemment republié aux éditions Grevis, est une critique de l’ouvrage de Herbert Marcuse, L’Homme unidimensionnel — essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée (trad. Monique Wittig, Paris, 1975). Les questions fondamentales discutées dans ces ouvrages, marquées par les circonstances d’une époque, les années 1960, sont toujours les nôtres et méritent qu’on s’y attarde.
A l’origine du débat, on trouve un petit cercle informel de théoriciens radicaux qui, au milieu des années 1960, bataille contre la pensée sclérosée de la vieille gauche nord américaine, prisonnière de l’orthodoxie marxiste-léniniste staliniste, dont la « guerre froide » et la répression maccartiste avaient rigidifié les limites et renforcé le sectarisme. Parmi eux, Herbert Marcuse, Howard Zinn, Noam Chomsky, Joyce et Gabriel Kolko, Zellig Harris et Paul Mattick, qui avaient pourtant des parcours de vie et des expériences différentes. A priori, l’écart était grand entre Herbert Marcuse, intellectuel renommé de l’Institut de l’École de Francfort, universitaire brillant et auteur d’une vaste œuvre critique, et Paul Mattick, ancien jeune spartakiste, ouvrier révolutionnaire dans l’Allemagne des années 1920, puis militant dans les conseils de chômeurs de Chicago des années 1930, profond connaisseur autodidacte de l’œuvre de Marx, théoricien du mouvement communiste anti-léniniste ainsi que des théories des crises. Les deux émigrés avaient été marqués par l’un des puissants bouleversements révolutionnaires du début du XXe siècle, en Europe, la révolution allemande des conseils de 1918-20, à laquelle ils avaient participé. Mais c’est finalement sur le sol nord-américain qu’ils s’étaient connus et qu’ils vont confronter leurs analyses du capitalisme moderne et des possibilités de sa subversion.
L’Homme unidimensionnel — essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée de Marcuse, paru aux États-Unis en 1954, eut un fort impact sur les courants de « la nouvelle gauche » américaine qui se développa, pendant environ deux décennies, à la faveur d’une forte contestation sociale et de l’opposition à la guerre du Vietnam. Sur bien des points, Marcuse et Mattick avaient des conceptions divergentes. Toutefois, ils partageaient la même idée, selon laquelle la pensée et l’action radicale ne peuvent s’enraciner et se développer que…
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Auteur: lundimatin