Marine Tondelier : une cheffe pragmatique pour un parti écologiste en crise ?

Marine Tondelier a été largement élue à la tête d’Europe Écologie–Les Verts (EELV), au second tour du congrès fédéral du parti, samedi 10 décembre. Avec 90,8 % des voix, elle s’est imposée face à Mélissa Camara, élue lilloise soutenue par Sandrine Rousseau et incarnant une ligne plus « radicale », ainsi que devant Sophie Bussière, la candidate de Yannick Jadot. Cette élection et ce congrès livrent plusieurs informations clefs quant au tournant que connaît le parti actuellement.

La séquence électorale du printemps dernier, puis la préparation du congrès d’EELV, ont été marquées par la présence d’un duo coloré opposant un Yannick Jadot tenant d’une écologie pragmatique et une Sandrine Rousseau avocate d’une nouvelle radicalité écologiste.

Le premier épisode, en septembre 2021, a vu la victoire très courte de Yannick Jadot sur Sandrine Rousseau lors de la primaire des Verts. Puis on a vu le candidat Yannick Jadot, lors du premier tour de la présidentielle d’avril 2022 échouer à atteindre l’objectif symbolique et pratique de 5 % des suffrages exprimés. Dans les mois suivants, sa concurrente en écologie, Sandrine Rousseau, a clairement dominé la scène médiatique en multipliant les interventions toujours teintées de plus de radicalité écoféministe.

Est-ce à dire que ce match a trouvé sa finale lors du congrès d’EELV (novembre, décembre) donnant une nouvelle teinture, pragmatique ou radicale à l’écologie politique ?



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Deux personnalités opposées

La réalité a été plus complexe. C’est bien le congrès, chez les Verts comme dans la tradition socialiste qui indique les rapports de force idéologiques à travers des « motions » assurant à ceux (celles) qui les présentent la majorité au sein de l’exécutif du parti (chez EELV, le bureau exécutif).

Mais le congrès n’a pas clairement mis en scène un combat entre les deux personnalités qui ont incarné l’écologie politique ces derniers mois, Sandrine Rousseau et Yannick Jadot. D’abord parce que le public de la primaire constitué de sympathisants (106 622 votants) ne se confond pas avec celui du congrès (5625 encartés). Ensuite parce que les statuts d’élus au Parlement européen (Yannick Jadot) et à l’Assemblée nationale (Sandrine Rousseau) leur interdisent de briguer un poste au sein de l’exécutif des Verts.

Il est vrai qu’à défaut d’être présents en personne, les deux leaders de l’écologie politique ont indiqué vers quelle liste allait leur préférence : Sophie Bussière pour Yannick Jadot, Mélissa Camara pour Sandrine Rousseau. Mais précisément, Yannick Jadot a (volontairement ?) évité la répétition d’une confrontation directe avec Sandrine Rousseau en n’apparaissant pas officiellement comme soutien de la liste que l’on savait très probablement majoritaire, celle de Marine Tondelier.

Les résultats du premier tour effacent l’idée d’un nouveau duel Yannick Jadot/Sandrine Rousseau : Marine Tondelier, héritière de la ligne qui a dominé le parti ces dernières années avec David Cormand, puis Julien Bayou, arrive largement en tête avec 46,8 % des suffrages au premier tour le 26 novembre. Celle de Sophie Bussière vient en second avec 18,1 %, des suffrages. Et la candidate proche de Sandrine Rousseau, Mélissa Camara, n’occupe que la troisième place avec 13,5 %.

Radicalité contre pragmatisme ?

Ce combat électoral peut-il être lu en termes de radicalité contre pragmatisme, les mots qui, de fait, avaient opposé Yannick Jadot et Sandrine Rousseau ?

La lecture des motions proposées par les six têtes de liste ne le confirme pas vraiment : le terme de « radicalité » apparaît, en général une seule fois, dans tous les textes. Il est vrai que chez Sophie Bussière, préférée de Yannick Jadot, on parle d’un mouvement « radical et pragmatique », quand chez Tondelier on invoque « la radicalité intrinsèque » du projet écologiste.

Pas de quoi, au total, classer les motions en termes de « gauche contre droite ». Bien qu’en réalité, au-delà des mots qui restent prudents, il y a bien chez les Verts une gauche. Elle est représentée aujourd’hui par Mélissa Camara, ou encore Hélène Hardy et Géraldine Boyer, soit au total 24,5 % des voix de…

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Auteur: Daniel Boy, Directeur de recherches émérite, Sciences Po