Mars est asymétrique. On comprend maintenant mieux pourquoi

Les chercheurs s’interrogent depuis des décennies sur l’origine d’une des plus étonnantes caractéristiques de Mars : la planète est asymétrique, et l’hémisphère nord de Mars est une plaine qui est cinq à dix kilomètres plus basse que l’hémisphère sud.

L’une des hypothèses est qu’au début de l’histoire de la planète, il y a 4,5 milliards d’années, un bolide de près de 2000 kilomètres de diamètre a heurté sa surface de façon oblique, manquant de détruire la planète… mais produisant un gigantesque bassin d’impact au Nord : le bassin de Borealis.

Jusqu’à présent, cette hypothèse relevait de la théorie, elle est dorénavant étayée par des observations, récemment publiées par notre équipe internationale.

Mars est asymétrique : son altitude moyenne au nord de la « dichotomie » est inférieur à celle du sud. On voit aussi les sites étudiés par l’équipe de recherche, à l’intérieur du système de canyons de Valles Marineris, et repérés par des étoiles.
Daniel Mège, Author provided

Ces nouveaux éléments apportent aussi des informations sur l’évolution géologique de la planète rouge, qui aurait pu abriter un « cocon » hydrothermal suite à cet impact géant – ces sites hydrothermaux sont considérés comme propices à l’apparition de la vie. Et accessoirement, nos observations peuvent éclairer sous un jour nouveau nos connaissances des ressources métalliques martiennes.

Des « anneaux » de déformation pointent vers l’hypothèse d’un impact

Notre étude a commencé un peu par hasard au Centre de recherches spatiales polonais, en examinant certaines images à très haute résolution des deux zones les plus profondes du grand fossé martien, Valles Marineris – des images qui n’avaient pas encore été interprétées. Ces images ont été complétées par un modèle topographique d’une précision métrique calculé à Grenoble.

Sur ces données du télescope orbital HiRISE, de la mission Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA, l’œil du tectonicien a repéré, sur quelques dizaines de kilomètres carrés, un système complexe de déformation par failles qui ne peut se développer que dans des niveaux de la croûte profonds de plusieurs kilomètres, où la température, de plusieurs centaines de degrés, est suffisamment élevée pour commencer à rendre la roche malléable.

Il s’agit de la première fois que ce type de déformation, appelé « zone de cisaillement cassant ductile » (les morceaux se fracturent et bougent comme dans du miel), est identifié sur Mars. En effet, sur Terre, les mouvements verticaux des plaques tectoniques s’associent à l’érosion, ce qui nous permet de voir ce type de structures, par exemple au Canada, en Australie ou en Finlande, aux limites d’anciennes plaques tectoniques.

Sur Mars, il n’y a pas de tectonique des plaques et seules les conditions exceptionnelles de Valles Marineris sont favorables. Bien que ces cisaillements soient des structures majeures de la croûte martienne, longues de plusieurs centaines, voire des milliers de kilomètres, pour des largeurs d’un à plusieurs kilomètres, ils sont majoritairement « cachés » dans la croûte.

Les mouvements de cisaillement sont parallèles à la marge du bassin de Borealis. Les cisaillements feraient partie de l’« anneau de failles » engendré par le cataclysme. Cette interprétation d’un faisceau grandissant d’observations permet de résoudre différentes énigmes sur le passé ancien de la croûte martienne.

Ainsi, de longs faisceaux de fractures d’origine non expliquée au nord de Valles Marineris pourraient être une « réactivation des cisaillements ». Trois chaînons montagneux très anciens près de Valles Marineris, sur le plateau d’Ophir, tout aussi énigmatiques, s’alignent aussi parallèlement à la limite du bassin de Borealis et s’expliqueraient naturellement comme vestiges d’anneaux, par exemple les anneaux formés par l’impact autour du bassin de Mare Orientale sur la Lune.

Les morceaux du puzzle martien se mettent en place

À proximité des cisaillements, nous avons aussi identifié une longue bande de roche broyée, ou « mégabrèche », dont certains blocs ont des dimensions approchant la centaine de mètres. Seuls de très gros impacts de météorites peuvent dégager…

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Auteur: Frédéric Schmidt, Professeur, géologie des surfaces planétaires, Université Paris-Saclay