Mars : et si c’était la vie qui avait rendu la planète inhabitable ?

Il y a 4 milliards d’années, le système solaire est encore jeune. Le processus de formation des planètes qui le constituent touche à sa fin, et le bombardement d’astéroïdes auquel celles-ci sont soumises s’atténue.

Notre planète devient alors habitable puis, quelque temps plus tard (quelques dizaines ou centaines de millions d’années), habitée. La biosphère primitive de notre planète est alors bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui. La vie n’a pas encore inventé la photosynthèse, sa source principale d’énergie aujourd’hui. Ces microbes primordiaux – les ancêtres communs à toute forme actuelle de vie sur Terre – doivent donc survivre dans les océans de notre planète en utilisant une autre source d’énergie : la consommation d’espèces chimiques libérées par l’intérieur de la planète au niveau des systèmes hydrothermaux et des volcans et qui s’accumulent sous forme de gaz dans l’atmosphère.

Des micro-organismes appelés « méthanogènes hydrogénotrophes », l’une des formes de vie les plus ancienne de notre biosphère, bénéficient plus particulièrement de la composition atmosphérique de l’époque. Ces micro-organismes se nourrissent du CO2 (dioxyde de carbone) et du H2 (dihydrogène) alors abondants dans l’atmosphère (le H2 représente alors 0,01 à 0,1 % de la composition atmosphérique contre approximativement 0,00005 % aujourd’hui) et récoltent ainsi une quantité d’énergie suffisante pour coloniser la surface des océans de la planète.

Ils relâchent en échange d’importantes quantités de méthane (dont les méthanogènes tirent leur nom) dans l’atmosphère. Ce puissant gaz à effet de serre s’y accumule et réchauffe le climat, à une époque où un soleil moins brillant qu’aujourd’hui n’est pas nécessairement en mesure de maintenir à lui seul des conditions tempérées à la surface de la planète. L’apparition de la vie sur Terre à donc pu participer, par le biais des méthanogènes, à consolider l’habitabilité de notre planète et à établir les conditions favorables à l’évolution et à la complexification de la biosphère terrestre durant les milliards d’années qui suivront.

S’il s’agit du scénario le plus probable de l’évolution précoce de l’habitabilité de la Terre, qu’en est-il des autres planètes du système solaire ? Prenons l’exemple de notre voisine, la planète rouge. Au fur et à mesure que nous explorons Mars, il semble de plus en plus certain qu’au même moment se développent sur la planète rouge, ou plus spécifiquement sous sa surface, des conditions environnementales similaires à celles ayant permis aux méthanogènes de foisonner dans les océans de la planète Terre.

Une vie microbienne martienne aurait pu trouver dans les quatre premiers kilomètres de la croûte poreuse de Mars un abri aux conditions rigoureuses de la surface (en particulier aux radiations UV délétères), des températures favorables et compatibles avec la présence d’eau liquide, et d’une source potentiellement abondante d’énergie sous la forme de gaz atmosphériques diffusant dans la croûte.

C’est donc tout naturellement que notre groupe de recherche s’est posé la question suivante : ce qui s’est produit sur Terre aurait-il pu également se produire sur la planète rouge ?

Un portrait de Mars il y a quatre milliards années
Pour répondre à cette question, nous avons couplé trois modèles, nos résultats viennent d’être publiés dans la revue scientifique Nature Astronomy. Le premier permet de prédire comment le volcanisme à la surface de Mars, la chimie interne de son atmosphère et l’échappement de certaines espèces chimiques vers l’espace déterminent la pression et la composition de l’atmosphère. Ces caractéristiques déterminent ensuite le climat.

Le second modèle décrit les caractéristiques physico-chimiques de la croûte poreuse de Mars : température, composition chimique, présence d’eau liquide. Celles-ci sont déterminées en partie par les conditions de surface (température de surface, composition atmosphérique) et en partie par les caractéristiques internes de la planète (gradient thermique interne, degré de porosité de la croûte.

Ces deux premiers modèles nous permettent donc de simuler l’environnement de surface et l’environnement souterrain d’une Mars jeune. De nombreuses incertitudes demeurent cependant sur les caractéristiques principales de…

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Auteur: Boris Sauterey, Chercheur en écologie évolutionnaire, écologie marine, et astrobiologie, École normale supérieure (ENS) – PSL