Marseille et l'illusion des commencements

« L’été l’éternité » de Émilie Aussel / Shellac

Marseille n’est pas seulement une cité portuaire fascinante et millénaire ; elle est également un bastion du cinéma depuis son apparition : située à une trentaine de kilomètres de La Ciotat, où les frères Lumière posèrent l’une des toutes premières caméras, elle a été mise sur pellicule dès 1896 par leurs assistants, et Marcel Pagnol y a inscrit plusieurs de ses histoires, tout comme plus tard le cinéaste Robert Guédiguian. Elle est même aujourd’hui la deuxième ville la plus filmée de France. Récemment encore, elle est au cœur des documentaires de Nicolas Burlaud (La fête est finie, 2014, La Bataille de la Plaine, 2020 ) ou du polar politique controversé Bac Nord (Cédric Jimenez, 2021). Origine de notre hymne, terre promise des migrations, éternellement solaire et rebelle dans notre imaginaire, elle offre le décor idéal pour mettre en scène la jeunesse d’aujourd’hui, une jeunesse qu’on dit un peu désœuvrée, un peu criminelle, entre aliénation et provocation, mais qui porte cependant nos lendemains. Elle s’est ainsi imposée comme le laboratoire d’un cinéma contemporain et réaliste post-Kéchiche, un cinéma héritier de L’Esquive et de La Vie d’Adèle. On pense à Corniche Kennedy (Dominique Cabrera, 2016), où des jeunes à la sortie de l’adolescence découvrent l’amour sur fond d’ennui et de petit trafic de drogue. On pense aussi à Shéhérazade (Jean-Bernard Marlin, 2018), où sortir de prison en plein Marseille n’augure pas d’un nouveau départ mais condamne à replonger.

Lire aussi Émilie Seto, « À Marseille, l’autoroute en pièces », « Les villes, avenir de l’humanité ? », Manière de voir n˚175, février-mars 2021.

Mais la cité phocéenne attire aussi des réalisateurs du monde entier. À la fois familière et dépaysante, elle leur permet de réinterpréter les motifs les plus classiques du cinéma : la course-poursuite chez William Friedkin dans French Connection (1971), ou plus récemment la romance invraisemblable chez Tom McCarthy dans Stillwater (2021). Ce dernier film porte du reste le nom d’une petite localité de l’Oklahoma alors qu’il se passe à Marseille, comme si le déplacement et la translation étaient la condition de l’expérience cinématographique. L’Allemand Christian Petzold a poussé cela à son paroxysme dans Transit (2018). Adapté du roman d’Anna Seghers (1944), qui, pour résumer sommairement,…

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Auteur: Louise Dumas