Marx n’était pas eurocentrique ? Une réponse à Kevin Anderson

Nous avons publié il y a quelques semaines un article de Kevin Anderson. Dans cet article, l’auteur de Marx aux antipodes (éd. Syllepse) défendait l’idée que la pensée de Marx, notamment telle qu’elle s’est développée à partir de la fin des années 1850, non seulement n’était pas eurocentrique mais fournissait des instruments incontournables pour rompre véritablement avec l’eurocentrisme. Kolja Linder, auteur du livre Le dernier Marx (éd. de l’Asymétrie), a souhaité lui répondre pour faire la critique des trois principaux arguments développés par K. Anderson, amorçant une discussion plus générale sur l’eurocentrisme, le développement de la pensée de Marx et son héritage au sein des marxismes.

***

Depuis quelque temps déjà, la critique des biais analytiques d’auteur.e.s blanc.he.s et occidentaux.ales et l’interrogation d’« injustices épistémiques » (Mirander Fricker) commis par eulles prend de l’ampleur. Les reproches de « colonialité » (Aníbal Quijano), d’« ignorance blanche » (Charles Mills), d’eurocentrisme ou d’orientalisme n’ont pas épargné les théories critiques elles-mêmes.

Dans ce contexte, le reproche que formule Edward Said envers Karl Marx est probablement l’un des cas les plus emblématiques. Même si l’on s’accorde facilement au sein de pensées critiques que le racisme et la domination du Nord sur le Sud posent des problèmes auxquels il faut sérieusement s’attaquer, beaucoup d’auteur.e.s se référant prioritairement à Marx éprouvent des difficultés à affronter la critique de l’eurocentrisme de leur maître à penser.

La réfutation de l’existence de ce dernier qu’a récemment publiée Kevin Anderson ici même illustre la difficulté à prendre à bras-le-corps ce type de critiques. Afin d’éclairer ce point aveugle de la critique sociale, je vais revenir dans un premier temps aux remontrances adressées par Said à Marx et les réactions marxistes qu’elles ont suscitées, puis examiner les arguments de K. Anderson et, enfin pour terminer, mettre en évidence quelques enjeux plus généraux de ce débat.

Les marxistes et la critique d’Edward Said

À en croire K. Anderson, Said aurait relevé « deux défauts majeurs » chez Marx : un récit unilinéaire du développement historique qui prendrait celui de l’Europe comme modèle pour le reste du monde et une tendance récurrente à inférioriser les sociétés non-occidentales dans les descriptions qu’il en fait. Le terme d’eurocentrisme revêtirait ainsi un « double…

La suite est à lire sur: www.contretemps.eu
Auteur: redaction