Mauvaise foi, mauvaises nouvelles et Julian Assange — Edward SNOWDEN

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Ce Noël pourrait bien être le dernier que le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, passera hors des geôles américaines. Le 10 décembre, la Haute Cour britannique s’est prononcée en faveur de l’extradition d’Assange vers les États-Unis, où il sera poursuivi en vertu de l’Espionage Act pour avoir publié des informations véridiques. Il est clair pour moi que les accusations portées contre Assange sont à la fois sans fondement et dangereuses, dans une mesure inégale – sans fondement dans son cas personnel, et dangereuses pour nous tous. En cherchant à poursuivre Assange, le gouvernement américain prétend étendre sa souveraineté à la scène mondiale et tenir les éditeurs étrangers responsables des lois américaines sur le secret. Ce faisant, le gouvernement américain créera un précédent pour poursuivre toutes les organisations de presse du monde entier – tous les journalistes de tous les pays – qui s’appuient sur des documents classifiés pour rendre compte, par exemple, des crimes de guerre commis par les États-Unis, du programme de drones américain ou de toute autre activité gouvernementale, militaire ou de renseignement que le département d’État, la CIA ou la NSA préféreraient garder enfermés dans le secret, loin de la vue du public et même de la surveillance du Congrès.

Je suis d’accord avec mes amis (et avocats) de l’ACLU : l’inculpation d’Assange par le gouvernement américain revient à criminaliser le journalisme d’investigation. Et je suis d’accord avec une myriade d’amis (et d’avocats) dans le monde entier pour dire qu’au cœur de cette criminalisation se trouve un paradoxe cruel et inhabituel : à savoir, le fait que nombre des activités que le gouvernement américain préférerait étouffer sont perpétrées dans des pays étrangers, dont le journalisme devra désormais répondre devant le système judiciaire américain. Et le précédent établi ici sera exploité par toutes sortes de dirigeants autoritaires à travers le monde. Quelle sera la réponse du département d’État lorsque la République d’Iran demandera l’extradition des journalistes du New York Times pour avoir violé les lois iraniennes sur le secret ? Comment le Royaume-Uni réagira-t-il lorsque Viktor Orban ou Recep Erdogan demandera l’extradition de reporters du Guardian ? Le problème n’est pas que les États-Unis ou le Royaume-Uni se plieraient un jour à ces demandes – bien sûr qu’ils ne le feraient pas – mais qu’ils ne disposeraient d’aucune base de principe pour leurs refus.

Les…

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Auteur: Edward SNOWDEN Le grand soir