« Curieuse convergence des deux extrêmes pour ce qui ne serait rien d’autre qu’un Frexit calamiteux » fustige le directeur adjoint du magazine des Échos (3 mai), à propos de la « désobéissance aux traités européens » mise sur la table par La France insoumise. Un mois plus tôt, le rédacteur en chef adjoint du Républicain Lorrain se faisait plus explicite (3 avr.) : « Dans un cercle comme en politique, les extrêmes se rejoignent. […] Des éléments […] concourent à réunir, superposer et finalement confondre les lignes des radicalités d’extrême gauche et d’extrême droite. »
Revoilà la petite musique de la « convergence des extrêmes », jouée par les médias dominants au prix de la mutilation du débat et d’une révision de l’histoire. Indéboulonnable lieu commun : « Mélenchon-Le Pen, le match des populismes » titrait en Une Le Monde en 2012. Les Gilets jaunes ? « C’est une convergence entre les deux extrêmes » avertissait Christophe Barbier (BFM-TV, 11 janv. 2019). Macron recevant une gifle ? Cela « illustre la dangereuse convergence des extrêmes politiques, autour d’une haine commune de sa personne » tonnait Maurice Szafran (Challenges, 13 juin 2021).
Ce « pseudo-théorème » ne date pas d’hier. Dès la Révolution française, les partisans d’une monarchie constitutionnelle suggèrent que les deux extrêmes se rejoignent. Napoléon Bonaparte, Louis-Philippe, Louis-Napoléon Bonaparte et même les radicaux de la Troisième république vont s’engouffrer dans la brèche : tous prétendent, chacun à leur tour, incarner le « juste milieu », censé protéger les Français des extrêmes et de leurs excès.
Car on voit bien l’usage politique auquel se prête un leitmotiv aussi flou : indiquer, face à ces « extrêmes », la seule voie raisonnable. Christophe Barbier : « Vous avez Zemmour, vous avez Mélenchon, vous avez Dupont-Aignan, vous avez Arthaud, vous avez tous ces extrêmes. […] Et ceux qui essayent de continuer à être des gouvernants : dedans, il y a Hidalgo, Jadot, Pécresse, Macron. » (France 2, 2 avr.) Simple comme bonjour, premier mouvement.
En suit un second : la fausse symétrie. Fausse, dans la mesure où les deux « extrêmes » ne font pas du tout l’objet d’un traitement médiatique similaire. La question a d’ailleurs été régulièrement posée pendant la campagne : « Marine Le Pen est-elle d’extrême droite ? » Avec, bien souvent, une réponse négative. En revanche, « l’extrémisme » de La France insoumise…
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Auteur: Philippe Merlant Acrimed