Maux médiatiques : « Wokisme »

Ils et elles auraient déjà, à en croire certains, envahi la scène politique, notamment à gauche : de Sandrine Rousseau, finaliste de la primaire écolo qualifiée par Le Figaro (31 août) de « candidate woke », à Jean-Luc Mélenchon, rangé dans le même camp par le même Figaro dans l’article « Comment l’idéologie woke infiltre la classe politique » (8 nov.).

Ainsi, 2021 aura été l’année de l’infiltration du « wokisme »… dans les médias. Le terme est venu se substituer à « islamo-gauchisme ». Lequel, pour ambigu et fantasmagorique qu’il soit, était peut-être encore un peu trop explicite. Avec « wokisme », aucun risque : on ne sait plus du tout de quoi il s’agit. Certes, bien des médias savent rappeler que, comme le résume Ariane Chemin dans le podcast « L’heure du monde » du 4 novembre, « “Woke” vient de “awake”, qui veut dire être “éveillé”, c’est-à-dire vigilant et conscientisé face aux formes de racisme et de sexisme les moins visibles ». Mais en quoi serait-ce un défaut d’être ainsi vigilant ? Et que peut-on bien trouver à redire au wokisme, promu en quelques mois ennemi public numéro un ?

Premier reproche : cette idéologie serait l’instrument d’une américanisation de la société française. Franz-Olivier Giesbert évoque ainsi un « lavage de cerveau […] venu des États-Unis » (Le Point, 11 nov.). Or, le terme « wokism » n’existe pas dans les pays anglophones : ce néologisme a été forgé en France, par ceux-là même qui dénoncent l’américanisation du débat. Le glissement de « woke » à « wokisme » n’est pas anodin : il vise à faire croire qu’il s’agit là d’une idéologie unifiée, voire d’un courant politique structuré. Alors que ces mêmes médias n’hésitent pas à mettre dans le même sac déboulonneurs de statues et tenants de l’écriture inclusive.

Deuxième accusation : « Obsédé par la race et le genre, le nouveau “progressisme” [ferait] l’impasse sur le social » (Anne Rosencher, L’Express, 4 mars 2021). Même idée dans Le Figaro (26 fév. 2021) : ce « néo-gauchisme […] se traduit par l’abandon de la question sociale au profit de la politique des identités, […] de la centralité des classes populaires vers celles de minorités sexuelles, religieuses ou ethniques ». Et voilà les médias mainstream, apôtres du néolibéralisme, des marchés triomphants et de la concurrence libre et non faussée, qui versent des larmes de crocodile sur l’évacuation du social. Des…

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Auteur: Philippe Merlant Acrimed