Mayotte, l'impossibilité d'une île

Alors que l’opération Wuambushu se poursuit à Mayotte, l’écrivain et philosophe Dénètem Touam Bona nous a confié ce texte éclairant et important pour comprendre et saisir les évènements en cours. Il est issu de son recueil Fugitive, where are you running ?. Bonne lecture.

L’île n’est pas un endroit isolé, toute île fait partie d’un archipel,

Edouard Glissant.

« Sept migrants clandestins se sont noyés dans le naufrage de la barque de pêche qui les transportait, juste en arrivant dans le lagon de Mayotte, a annoncé aujourd’hui la préfecture. » Un fait divers parmi d’autres, coincé entre le cambriolage d’une maison et la sortie de route d’un camion. On s’habitue à tout, y compris au retour cyclique des morts à l’heure du petit déjeuner. « Inch Allah ! » …, on continue à écouter distraitement la radio tout en avalant le reste de sa tasse de café. Comme si ces sept morts ne comptaient pas, pas plus que tous ceux qui les ont précédés sous les eaux, et qui se comptent par milliers. Mayotte reste aujourd’hui encore dans l’angle mort de la France : un territoire absent des rayons des librairies, des écrans de cinéma et de télévision, des préoccupations et de l’imaginaire de l’Hexagone. Loin des yeux, loin du cœur… La mécanique coloniale opère à Mayotte sur le mode d’une censure tectonique qui scinde, partitionne, rature un paysage archipélique – celui des Comores – avant de se réfracter dans le psychisme du « Mahorais », et d’en faire son propre ennemi.

« Cédez à la tentation de Mayotte… »

Si Mayotte est si méconnue en France, c’est sans doute parce que le « Mahorais », en tant que spécimen humain distinct du « Comorien », n’existe pas encore ; il est en cours de modelage, à partir d’images, de récits, d’une réécriture de l’histoire, visant à mettre en scène et à faire exister aux yeux du monde un « peuple mahorais ». De quoi…

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Auteur: dev