Mayotte, une « opération spéciale » colonialiste

Destructions d’habitations, déplacements forcés de population, tirs à balles réelles : depuis plus de deux semaines, les forces de maintien de l’ordre françaises ont pris le large vers l’île de Mayotte où se déroule l’opération « Wuambushu » visant, pour le dire vite, à garantir le maintien de la souveraineté coloniale de la France sur son 101e département. Alain Naze a vécu à Mayotte pendant trois ans. Une semaine après l’arrivée de la police française, il a rassemblé dans ce court article quelques coordonnées socio-politiques et rappels historiques pour comprendre un peu mieux ce qu’il s’y passe.

J’ai enseigné à Mayotte, de 2015 à 2018. Dans ces trois années, j’ai repéré des indices inquiétants, faisant signe vers une possible guerre civile. Nous y arrivons quasiment aujourd’hui. Les indices repérés tenaient essentiellement à un développement fantasmé d’une « identité mahoraise ». En effet, les Comoriens, ou les Mahorais d’origine comorienne se trouvaient rejetés du côté de l’étranger indésirable – à preuve ces Français d’origine comorienne dont les papiers d’identité française étaient déchirés, lors de décasages menés par des milices mahoraises, supposément centrées – ce qui n’était pas plus défendable – contre de supposés immigrés « illégaux ». La question est alors, de façon absurde, devenue une question de type ethnique (absurde lorsqu’on sait combien les familles, dans cette région, unissent réputés Comoriens et réputés Mahorais). Aujourd’hui, bien des discours de Mahorais favorables à l’opération menée par Gérald Darmanin en viennent à caricaturer les Comoriens, comme on le fait généralement lors de conflits armés, où l’ennemi est identifié à un monstre. Ils deviennent, selon les mots d’Estelle Youssouffa (députée mahoraise LIOT), des « illettrés », mais aussi des « bébés barbus » (image évidente du…

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Auteur: dev