Médias de classe, haine de classe

« Tout se passe, explique le sociologue Alain Accardo, comme si le “peuple” n’était intéressant pour les médias qu’autant qu’il est inoffensif, désorganisé, souffrant, pitoyable, mûr pour les Restos du cœur, l’intervention caritative et le miracle du loto. » Invisibles à la télévision ou à la radio, les classes populaires sont rappelées à l’ordre dès lors qu’elles ne s’y résignent plus. Méprisés sur tous les plateaux, leurs porte-parole se font gronder quand ils cessent d’y faire de la figuration.

Depuis 2014, les grands médias doivent diffuser des programmes qui contribuent à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes. Un progrès, tout de même, tant par ailleurs l’inégalité sociale semble, elle, toujours aller de soi. Ou presque de soi. Si le législateur a confié en 2006 le soin au CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) de veiller à la représentation de la diversité de la société française, son dernier rapport annuel est accablant : « les CSP+ sont surreprésentées dans tous les genres de programmes. Elles représentent jusqu’à 79 % des personnes visibles dans les divertissements, 78 % dans l’information et 73 % dans les fictions. » La proportion des cadres, professions libérales et chefs d’entreprise à la télévision atteint 61 % en 2019 alors que ce groupe ne représente que 10 % de la société ; pour les ouvriers, ces proportions atteignent, respectivement, 3 % et 12 %. Autrement dit, les CSP+ sont quinze fois plus présents que les ouvriers alors qu’ils sont moins nombreux dans la population…

À la radio, aussi, l’écart est saillant. Une enquête du Monde diplomatique pointait que, la semaine du 18 au 24 novembre 2019, « les studios de la radio de service public France Inter ont accueilli 177 invités. Tous issus de classes moyennes supérieures, culturellement et économiquement favorisées. À deux petites exceptions près, à des heures de faible écoute. [Une] étudiante boursière et une chômeuse de longue durée ont apporté leur “témoignage” dans l’émission “Le nouveau rendez-vous”, entre 22 heures et 23 heures. » D’autres stations se préoccupent davantage de la diversité sociale. « Les Grandes Gueules » sur RMC accordent du temps d’antenne à toutes les classes sociales et, comme le relève Vincent Goulet, cette émission « a un côté polémique […] proche de l’ethos populaire ». Mais le sociologue constate aussi que « le cadrage idéologique » reste, notamment par le choix…

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Auteur: Mathias Reymond Acrimed