Médias et travail : le journalisme social en miettes (4/4)

Cet ensemble de transformations, de biais permanents et de partis pris autour des questions liées au travail ne peut enfin s’extraire de la toile de fond idéologique qui domine la société depuis les années 1980. Quarante années de vulgate (néo)libérale, déclinée sur tous les tons dans les grands médias capitalistes, acquis à la cause de l’économie de marché, de la croissance à tout crin, de la baisse des déficits publics et du « travailler plus ». « De “l’État obèse” et “ boursouflé” fustigé par Laurent Joffrin dans les années 1980 à la “suppression de la cinquième semaine de congés payés” prônée par Christophe Barbier en 2011, en passant par “la mondialisation heureuse” appelée de ses vœux par Alain Minc à la veille des années 2000 », les chroniqueurs économiques sont les porte-parole les plus « visibles » (et bruyants) de cette idéologie, a fortiori quand règne dans leur pôle une absence totale de pluralisme. Une hégémonie qu’ils doivent toutefois d’abord et avant tout aux rédactions en chef, partageant globalement leur vision du monde social et de l’économie, au sein d’un système médiatique lui-même structuré par les logiques financières et mercantiles.

Symptôme éloquent : il aura fallu attendre quatre ans et septembre 2020 pour que la rédaction de France Inter daigne de nouveau opposer un chroniqueur à Dominique Seux (directeur délégué des Échos) dans sa matinale, en la personne de Thomas Piketty. Un « débat économique » d’un petit quart d’heure cantonné aux seuls vendredis. Traduisons : sur le service public, le pluralisme doit se satisfaire de quelques miettes. Le reste du temps, la règle est à la toute-puissance des « économistes à gages » – proches des milieux patronaux, cachetonnant d’ailleurs dans les conseils d’administration des grandes entreprises du CAC40 pour certains d’entre eux, quand ils ne sont pas purement et simplement les salariés de grands établissements financiers – et à l’omniprésence des chroniqueurs et éditorialistes libéraux, monopolisant des plateaux faits par eux et pour eux.

Cette absence de pluralisme, et une telle polarisation de la pensée (et des discours) sur l’économie au sein des grands médias expliquent également la régularité des campagnes patronales, hostiles aux intérêts des travailleurs, qui s’y déploient. En mai 2020, nous exposions par le menu l’écho médiatique démesuré – et globalement louangeur – dont avait par exemple bénéficié une note de…

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Auteur: Pauline Perrenot, Sophie Eustache Acrimed