Mediator : un procès dans l’indifférence, un scandale pourtant exemplaire

C’est dans une forme d’indifférence que se poursuit en appel le procès du Mediator depuis le 9 janvier 2023, si ce n’est pour dénoncer la remise récente de la Légion d’honneur à une lobbyiste des laboratoires Servier. C’est le parquet qui avait interjeté appel du jugement rendu le 29 mars 2021 par le tribunal correctionnel de Paris.

Certes, le groupe pharmaceutique avait été reconnu coupable de « tromperie aggravée » et d’« homicides et blessures involontaires » en commercialisant un coupe-faim pour traiter le diabète en dépit du fait qu’il connaissait ses conséquences sur la santé et les risques cardio-vasculaires engendrés. La relaxe partielle pour obtention indue d’autorisation de mise sur le marché et escroquerie a néanmoins été jugée trop clémente par le procureur de la République.

La salle qui accueillait auparavant le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’est certes remplie le mardi 14 février pour l’audition de la lanceuse d’alerte Irène Frachon sans laquelle le produit continuerait peut-être toujours à faire des ravages. Les victimes se sont, elles, exprimées les jours suivants devant des bancs quasi déserts.

Et pourtant, l’affaire, aux dires de professionnels du secteur du médicament, tiraillés entre éthique et recherche de profit, marquerait un tournant. Discret, le procès n’en marquerait pas moins une frontière entre un avant et un après.

Pourquoi un tel paradoxe ? Comme le montrent nos travaux sur la criminalité en col blanc, différents ressorts interviennent en fait : un crime en col blanc se trouve souvent caché et euphémisé, notamment car il s’avère bien délicat de faire la part des choses entre responsabilités individuelles et organisationnelles et car il est toujours possible de se réfugier derrière une défaillance des organismes de contrôle. Le cas du Mediator s’avère en fait une parfaite illustration des principaux enseignements de la littérature scientifique sur la question.

Faillite de surveillance

Le laboratoire Servier, 2e groupe pharmaceutique français, a conçu et vendu un médicament, le Mediator, de 1976 à 2009 alors que celui-ci était su toxique pour la santé au moins depuis 1995. Il aura fallu le courage d’Irène Frachon, pneumologue lanceur d’alerte, pour le dénoncer. Son ouvrage Mediator 150 mg avait même vu son sous-titre Combien de morts ? censuré un temps après un procès en référé intenté…

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Auteur: Bertrand Venard, Professeur / Professor, Audencia