Mégabassines : « Être prêt à tuer pour protéger un tas de terre en dit long »

Christophe Bonneuil est historien et directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il dirige la collection Anthropocène aux éditions du Seuil. Le 25 mars, il était présent à la manifestation de Sainte-Soline.


Les événements dramatiques de Sainte-Soline posent une question : comment est-il possible d’en être arrivé à plus de 200 blessés (des deux côtés) et deux personnes entre la vie et la mort (côté manifestants) pour « sécuriser » un monticule de terre et de granulat entourant un simple trou ?

Par le passé, dans les campagnes françaises, ce furent des chantiers de centrales nucléaires que l’État défendit de la sorte, becs et ongles, au prix du sang. La comparaison est d’ailleurs éclairante. Comme à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) le 25 mars, la circulation était interdite sur une zone de 5 kilomètres autour du chantier de Creys-Malville (Isère) le 31 juillet 1977 pour défendre le chantier de Superphénix. Et comme à Sainte-Soline, plusieurs milliers de policiers et militaires étaient en position, préalablement désinhibés par les déclarations et consignes guerrières de leur préfet et leur ministre. Avec le résultat que l’on sait : une centaine de blessés, dont deux mutilés, et la mort d’un jeune manifestant, Vital Michalon.

Par-delà les similitudes, le contraste est frappant, à un demi-siècle d’intervalle, entre la nature des deux infrastructures défendues à feu nourri par l’État. Tuer pour le rayonnement nucléaire français et pour une centrale high-tech de 1 200 mégawatts (croyait-on alors avant le fiasco technologique de la « surgénération »), on en saisit la (sinistre) raison d’État. À Sainte-Soline, par contre, il n’y avait dans ce monumental talus entourant un vaste trou nul fleuron technologique et rien à saboter qui puisse ralentir le chantier. Pas même une bâche en plastique à lacérer. C’est à quelques centaines de mètres plus loin que des pompes et tuyauteries ont été sabotées sans difficultés, sans d’ailleurs que les autorités ne se soient souciées de les protéger.

Des similitudes avec les Gilets jaunes

Pourquoi donc 3 200 « forces de l’ordre » pour défendre un simple cratère de terre et de granulat contre la visite en fanfare de quelques milliers de personnes un samedi de printemps ? Pourquoi cette disproportion absolue entre le bien protégé et ce feu guerrier de 4 000 grenades en deux heures, une toute les deux secondes, une pour deux manifestants si l’on suit les chiffres du ministère de l’Intérieur ?

Bref, comment expliquer que le gouvernement ait été, par un dispositif aussi guerrier et par des obstructions avérées à la prise en charge hospitalière de blessés graves,…

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Auteur: Reporterre