Aujourd’hui, nous retrouvons notre Fabien Drouet (Doué ? Troué ? c’est la résonance sémantique qui nous trouble) pour l’accompagner en des lieux insolites, de la salle d’attente des Valseuses empuantie par les cigares de Dupont-Moretti, à l’estomac de Gérard Depardieu en passant par la salle à manger de Didier Lallement et celle des inspecteurs Derrick et Colombo (nous ignorions d’ailleurs qu’ils étaient en couple). Le bon goût charmant, l’humeur primesautière de notre auteur décomposé préféré s’accordent à merveille avec ce lundi matin d’une semaine de merde qui s’annonce.
1
La première fois que j’ai rencontré Eric Dupont-Moretti, c’était à Paris, le jour des auditions pour le film les Valseuses, en 1972, en novembre me semble-t-il, ce qui ne nous rajeunit pas. Très rapidement, j’avais perçu chez lui une force de vie digne des plus grands mammifères marins ; dans la salle d’attente il avait fumé encore plus de cigarettes que moi et il les enchaînait avec la régularité hors-norme des « bonjourin » de boulangère. Une bonne dizaine en quarante minutes, dont il recrachait la fumée tantôt sur l’enfant de trois mois venu tenter sa chance pour le rôle du bébé dans le train dont la mère se fait tripoter les seins, tantôt sur l’asthmatique à la peau marron foncé qu’on se demandait bien ce qu’il foutait là.
Sans surprise il avait décroché le rôle de Depardieu, tandis que de mon côté, à l’écran, j’incarnerais Miou-Miou.
1972, novembre, un mardi, il y a presque un demi-siècle et, depuis, les choses ont changé. Eric est avocat, garde des sots, et moi je me rappelle mes plus belles rencontres au lieu de faire la vaisselle, d’envoyer mes papiers de sécu pour être enfin remboursé merde tu vas te bouger oui ?, de préparer un attentat (ciblé), bref, de vivre le présent comme il se doit : comme un cadeau de chaque instant.
2
Bonjour, je vous écris de chez le Préfet Lallement, Didier de son prénom. Ce mec est fou. J’ai prétexté un départ aux toilettes et, sur le chemin, j’ai réussi à prendre mon petit ordinateur portable avec moi, ceci afin de confier au monde ce qu’il se passe ici. Sachant que ce que vous lisez en ce moment-même restera peut-être comme mon ultime texte…
Ce que j’ai vu, ce que je vois, ce que je m’apprête à voir encore, est proprement horrible. Et il n’est plus l’heure de songer à mon oeuvre, à sa postérité. Je tremble. Et sachez que chaque lettre de chaque mot que je tape sur mon petit clavier, je la tape…
La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin