Mesures contre nature

Le 16 avril dernier, nous publiions un article contre la notion de compensation écologique. Nous revenons de manière plus approfondie sur le même thème à travers cet extrait du livre Mesures contre nature de Benoît Dauguet paru le 11 juin aux éditions Grevis. Il montre dans le détail et à travers l’exemple de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes comment se constituent les normes de compensation écologique et ce qu’elles produisent réellement : une mise en équivalence généralisée des êtres vivants et des milieux. « Un des éléments les plus frappants concernant les équivalences ainsi produites est probablement la totale indistinction entre leurs aspects écologiques et économiques. Il n’y a pas, d’un côté, une science écologique qui s’occuperait de l’évaluation de la qualité des habitats naturels et de l’autre, une science économique chargée de mettre en équivalence ces habitats entre eux – mais plutôt un savoir économique-écologique utilisant indifféremment les concepts et les méthodes venant de l’une ou l’autre de ces disciplines dans une même grammaire. »

Depuis la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, les projets d’aménagement pouvant porter atteinte au milieu naturel doivent comprendre une étude d’impact indiquant « les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement ». Longtemps ignorée en raison d’un intense lobbying des aménageurs, cette exigence a été rappelée (et cette fois appliquée) depuis les années 90 par différentes lois environnementales. Comme le prescrit le code de l’environnement, les aménageurs dont les projets portent atteinte à la biodiversité doivent ainsi mettre en œuvre des mesures compensatoires visant « un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité » . La mise en œuvre de ce dispositif reposant sur un principe d’équivalence écologique implique tout un travail de production de concepts, de catégories, de métriques, d’équations par lesquelles les milieux écologiques peuvent être mis en équivalence et saisis pour être échangés sur la base de leurs qualités.

Dématérialiser l’espace

L’évaluation environnementale du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est probablement une des meilleures illustrations de ces opérations d’abstractions mises en pratiques. Ce projet remonte aux années 60 avec l’ambition de construire un aéroport régional pouvant accueillir le Concorde. La…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin