Migrations et frontières : une brève histoire du passeport

Au moment où les responsables français discutent du « projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration », il est utile de revenir sur l’histoire d’un document devenu essentiel aussi bien pour les individus que pour les États : le passeport.

À quelques exceptions près, comme l’espace Schengen, il est actuellement impossible de franchir une frontière internationale sans un document officiel attestant de son identité et de sa nationalité. Le passeport est progressivement devenu indispensable pour toutes les personnes désirant se rendre dans un pays étranger.

Son histoire reflète la lente construction des États-nations et des moyens qu’ils ont mis en place au cours des siècles pour mieux identifier leurs ressortissants, pour les distinguer des étrangers et, enfin, pour contrôler les mobilités.

Le contrôle des flux de populations

L’usage du passeport se développe à partir du XVe siècle en France, mais également dans le Saint-Empire ou en Suisse, en remplacement des sauf-conduits qui, au Moyen Âge, étaient délivrés à des groupes de voyageurs (émissaires royaux, marchands, etc.) par leurs autorités pour garantir leurs droits lors de leurs déplacements.

En témoigne d’ailleurs l’apparition en 1420 du mot passeport dans la langue française. Le document, auparavant délivré à des groupes, se transforme petit à petit. Dans le courant du XIXe siècle, il est remis à des individus, ou du moins à des membres d’une même famille circulant ensemble.

Il s’agit pour les États non seulement de faciliter, mais aussi de limiter les mobilités de certains. Si l’arrivée trop importante d’indigents dans une région ou une ville fait toujours peur aux autorités de celle-ci, les départs de soldats et de marins, ou encore d’artisans et d’ouvriers, inquiètent tout autant – par crainte des désertions dans le premier cas, de la perte d’une main-d’œuvre éventuellement spécialisée dans le second.

Pour les États du XIXe siècle, il est essentiel, au moyen des passeports, d’« étreindre » leur population, pour reprendre les termes de l’historien américain John Torpey dans son ouvrage publié en français en 2000 sous le titre L’Invention du passeport. États, citoyenneté et surveillance. Cette « étreinte » vise à affirmer la souveraineté de l’État sur le territoire national ; à en permettre la défense par la conscription ; à percevoir…

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Auteur: Marie-Carmen Smyrnelis, Professeur ordinaire à l’Institut Catholique de Paris (EA 7403) et Fellow de l’Institut Convergences Migrations, Institut catholique de Paris (ICP)