« Minéral », « fruité », « féminin »… la langue du vin ne veut parfois plus dire grand-chose

link text À l’heure des foires aux vins, marronnier annuel des médias, il parait pertinent de s’interroger non seulement sur le vin, mais aussi sur la manière dont on en parle. La communication des grandes enseignes participe en effet à ce sport automnal national reposant, à côté des visuels, sur du discours et donc des mots.

À l’instar de nombreux autres produits faisant appel aux sens, le vin semble jouir d’un statut particulier par rapport à d’autres produits alimentaires. Tout comme le chocolat, par exemple, il se donne à lire dans des présentations et descriptions qui n’ont rien à voir avec les efforts que l’on fournit pour des légumes ou de la viande. Le discours sur le vin aurait donc une part intrinsèque de poétique, voire d’ésotérique.

Il semble ainsi particulièrement intéressant d’observer, comme objet linguistique et discursif, les dépliants publicitaires de supermarchés présentant de longues descriptions sur des vins pourtant de grande production et souvent ressenties par le client non expert comme très élaborées. Écouter quelques experts du domaine décrire, à la radio ou à la télévision, avec une certaine profusion de descripteurs prétendument « originaux » (vin de soif, minéral, féminin) les « meilleures » affaires du moment ne l’est pas moins.

Ces envolées linguistiques ne font que corroborer l’idée qu’il existe une « langue du vin » par essence technique, jargonnante et réservée à des initiés. On la retrouve aussi dans les livres semi-spécialisés et autres sites et applications promettant d’initier à la dégustation. Elles tendent à renforcer par ailleurs la nécessité de devoir se positionner comme expert en utilisant des mots d’experts. Lisez plutôt ce que l’on trouve sur le site d’un leader de la grande distribution :

« Ce vin reflète un travail qui privilégie la profondeur corsée des vins rouges par une vinification qui recherche de l’extraction et par des élevages flatteurs. Une robe rubis dense. Un nez élégant aux arômes de fruits noirs finement boisés. Attaque ample et charnue, bel équilibre où se mêlent finesse, complexité, richesse et onctuosité. »

Le consommateur, au lieu de trouver dans ces prises de parole une aide, risque plutôt de plonger dans une certaine confusion. Les plus perspicaces accrocheront, eux, sur la dimension marketing de textes conçus pour inciter à l’achat avec quelques mots soi-disant « porteurs », sortis du chapeau, témoins d’une communication peu informée. C’est donc l’ensemble du marché qui y est perdant. On en arrive ainsi à une question fondamentale qui a animé la recherche académique depuis les années 1970 : et si, finalement, ces mots n’avaient que peu, voire pas du tout de sens ?

Langue commune et invention marketing

L’hypothèse sous-jacente aux travaux menés par la linguiste américaine Adrienne Lehrer dans son article liminaire de…

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Auteur: Laurent Gautier, Professeur des Universités en linguistique allemande et appliquée, Université de Bourgogne – UBFC