Mobiliser dans un contexte post #MeToo : la stratégie du collectif #NousToutes

En un peu moins de cinq années, #NousToutes est devenu l’un des acteurs hégémoniques sur la question des « violences sexistes et sexuelles » en France. Si cette position a été acquise notamment par ses usages communicationnels, son fonctionnement est-il novateur ? Dès son lancement au cours de l’été 2018, quelques mois après la diffusion massive et transnationale du hashtag #MeToo, le collectif français ambitionne de rassembler au sein du mouvement féministe. Ses revendications sont donc claires : défendre « toutes » les femmes, contre « toutes » les violences, sans se positionner sur les sujets clivants tels que le port du voile ou le travail du sexe/prostitution.

L’objectif initial du collectif consiste à « élever le niveau de conscience dans la société » sur la question des violences faites aux femmes. Dans ce cadre, il organise une première grande action à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre. La manifestation rassemble en 2018 près de 50 000 personnes sur toute la France et 150 000 l’année suivante. À côté de cet événement emblématique, #NousToutes propose des formations sur les mécanismes des violences et développe d’autres actions plus ponctuelles, à l’image de la diffusion de sac à pain dans les boulangeries sur lesquels sont imprimés des violentomètres, un outil permettant de détecter les violences.

Les réseaux sociaux, clé de voûte du collectif

Si #NousToutes s’organise autour d’une structure nationale, le collectif fonctionne aussi via des comités locaux partout en France et des pôles thématiques internes (pôles jeunesse, réseaux sociaux, etc.). L’ensemble de ces groupes communique en ligne sur des boucles WhatsApp ou des serveurs Discord.

Grâce aux outils numériques réduisant le coût d’entrée, #NousToutes propose un engagement facilité : il suffirait de quelques clics par semaines pour devenir « activiste » ou « bénévole ». Ce discours a pour objectif de convaincre des personnes n’ayant jamais eu de socialisation associative ou militante préalable de rejoindre l’organisation. Il permet de recruter largement. Dans la pratique, l’implication des militantes qui ont permis à #NousToutes de prendre une telle ampleur est loin de se limiter à un travail superficiel.

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S’inscrivant dans les pratiques de « l’internet militant » et des mobilisations féministes contemporaines, #NousToutes investit fortement ses réseaux sociaux numériques. Que ce soit sur Instagram, Twitter et plus récemment sur TikTok, le collectif produit un discours accessible sur la question des violences. Ses réseaux sociaux lui permettent également d’organiser et promouvoir ses actions, ainsi que d’interpeller les pouvoirs publics et instances médiatiques.

Par rapport à d’autres mobilisations en ligne, la particularité des discours numériques de #NousToutes ou d’autres associations féministes consiste dans la place accordée au soutien des victimes : #NousToutes utilise les réseaux sociaux dans la continuité du « féminisme de hashtag », c’est-à-dire, comme un espace de solidarité féministe entre internautes à l’image du mot dièse #JeSuisFéministe ou #BalanceTonBar.

Si #NousToutes travaille à sa visibilité en ligne, l’ensemble de ces actions s’inscrit plus largement dans un impératif de médiatisation : l’un de ses objectifs reste sa couverture par les médias dits traditionnels. L’objectif de « faire la Une » et le « buzz » a été amené par ses fondatrices dès son lancement. Selon elles, c’est par ce biais qu’il est possible de toucher une large audience et « créer un électrochoc dans la société ». Les militantes de #NousToutes sont donc formées à la rédaction d’un « bon » communiqué de presse ou encore à la prise de parole auprès de journalistes lors de media trainings.

La stratégie médiatique de #NousToutes consiste également à travailler sur le temps long à l’émergence de sujets précis sur les violences et au cadrage féministe de ceux-ci dans l’espace public. Par exemple, la publication et la circulation du décompte des féminicides lui permettent à la fois d’interpeller…

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Auteur: Irène Despontin Lefèvre, Doctorante en sciences de l’information et de la communication, Université Paris 2 Panthéon-Assas