Modèle agricole : « On ne peut pas faire porter la responsabilité des ravages du capitalisme aux paysans »

Basta ! : « L’escalade technologique permanente assure la dépossession et l’élimination des agriculteurs », dites-vous. Mais les machines – tracteurs, faucheuses, charrues, etc. – n’ont-elles pas aussi permis de libérer les agriculteurs de tâches ardues qu’impose le travail de la terre ?

Hugo Persillet : Nous ne sommes pas opposés aux machines en soi. Nous sommes une coopérative de paysans, nous en fabriquons nous-mêmes et savons bien qu’un certain degré de mécanisation est évidemment nécessaire, surtout si on veut installer un million de paysans comme nous le disons dans notre livre-manifeste. Mais nous contestons le besoin de machines conçues sans les usagers, dont le but est de se passer du travail paysan.

Nous sommes partis du constat de l’échec total de l’industrialisation de l’agriculture qui a fait disparaître une classe sociale dans sa quasi-intégralité : les paysans. De nombreux autres métiers ont disparu, des savoir-faire ont été perdus. L’industrialisation de l’agriculture, c’est aussi un échec au niveau de l’entretien des territoires, de la préservation des écosystèmes et au niveau de la santé publique. Et en plus on ne réussit même pas à nourrir tout le monde ! Or, quelle est la place de la machine dans cette industrialisation ? Elle est centrale. Contrairement à ce que l’on pourrait spontanément penser, la machine n’est pas neutre. Elle rend l’obligation de monoculture implacable et elle est indissociable d’une forte précarisation des femmes et des hommes qui n’auront souvent pas assez de toute leur vie pour rembourser leur outil de travail.

Jean-Claude Balbot : Quand on s’est installés dans les années 1970, on nous a présenté la machine comme pouvant nous émanciper du labeur. On nous parlait du temps dégagé, de l’égalité entre les femmes et les hommes, etc. Tout le monde était enthousiaste. On ne voyait pas, alors, le processus qui vient avec la machine. Une fois qu’on a un tracteur, il faut agrandir l’entrée des champs, puis la taille des champs. On coupe des arbres. On rachète la ferme du voisin. Comme il y a moins de voisins, et moins de monde dans les champs, on doit faire le travail de désherbage avec des pesticides. Il faut acheter un épandeur. Puis s’agrandir encore pour rentabiliser ce nouvel investissement. On doit s’endetter, encore et encore. On s’est laissés aspirer par la promesse d’une puissance sans cesse augmentée et cette croyance que, dans l’abondance, plus personne ne serait malheureux. Mais au fur et à…

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Auteur: Nolwenn Weiler