Monchoachi : Restituer l'envers de la modernité

Né en 1946, l’année de la départementalisation, c’est-à-dire de la recolonisation de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane par l’Etat français, le poète martiniquais, de son nom de pesage colonial étatique, André Pierre-Louis, est Monchoachi, le nom d’un Nègre marron par lequel la ville de Rivière Pilote a baptisé l’une de ses rues ; à moins que « monchoachi » signifie, par allusion à un célèbre mythe indien, « celui qui se réfugia dans la montagne ». La montagne où cet ancien militant de la Ligue d’Union Antillaise vit à présent : la montagne du Vauclin, sur les contreforts de laquelle seuls on peut encore le rencontrer comme l’a fait Arlette Pacquit dans le documentaire lumineux qu’elle lui a consacré en 2021.

En tous cas, un nom solidaire de la dissidence noire radicale des sociétés d’esclaves fugitifs bushinêngé retirés depuis le XVIIIe siècle dans la forêt du bassin amazonien des Guyanes, comme de la figure, associée au vodou et au pouvoir du verbe créole, du « Nègre-bois » haïtien, que Monchoachi oppose au « Nègre-Maison », qui, « drapé dans sa dignité », « ayant appris les bonnes manières » et le parlé francé, demeure servile et jaloux de s’attirer le respect du Maître blanc. Un nom qui, pour reprendre les termes utilisés par l’anthropologue Rastafari Philippe « Kenjah » Yerro dans la revue Lakouzémi fondée et co-animée par Monchoachi de 2007 à 2009, signifie donc « le refus radical de consentir la moindre parcelle de légitimité à la logique coloniale ».

Si Patrick Chamoiseau a pu dire de Monchoachi, qu’il est « un des plus grands poètes vivants de la Caraïbe et des espaces américains », « et sans doute du monde », c’est parce que sa poésie, en parlant la Martinique, parle le présent « suffoquant » du passé colonial, l’éternel présent du début des Temps modernes qu’a été l’invasion de l’espace…

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Auteur: dev