A attendre en haut des escaliers de la rue Becquerel, qui est campée sur les pentes de Montmartre, on ne peut manquer d’observer qu’au moment où ils gravissent les dernières marches, les passants sont saisis d’un étrange étonnement : les voilà essoufflés.
Un léger vertige sur l’état de leur santé est rapidement dissipé par le regard jeté sur une pente plutôt abrupte – ça monte. Là où n’importe quel randonneur aurait d’emblée saisi l’effort que celle-ci représente, le citadin, qui se déplaçait mentalement dans le plan de sa journée, n’en prend conscience qu’après coup – lorsque son souffle devient court.
De la part de ceux qui viennent d’essayer un modèle de monowheel, une remarque se fait régulièrement entendre : c’est difficile. La plupart du temps, il faut entendre par là que la première fois ils ont failli en tomber. Désormais, ils ne les voient plus du même œil. Ils témoignent même d’un certain respect à l’égard de ceux qui pratiquent la chose.
Qui s’est déjà étonné, la première fois qu’il a enfourché une bicyclette, de ne pas être aussitôt devenu cycliste ? pour ensuite se surprendre à regarder avec considération ceux qu’il lui arrive de croiser dans la rue ?
Le monowheel semble tracer un champ où l’homme existe comme embout universel, comme un vivant capable de s’emmancher a priori sur n’importe quelle situation. Les procédures d’accès qui définissent le réel y sont effacées. Autrement dit, il est moins question, en profondeur, d’apprentissage, de formation ou de préparation, et toujours plus, en surface, d’adopter les gestes utiles et d’intégrer un temps les bons réflexes. Ce qui était médiat est déporté vers l’immédiat, et dans ce champ, les médiations elles-mêmes, comme d’aller chercher un chausse-pied pour enfiler une chaussure, deviennent de simples clips. On se clipse sur ceci ou cela.
On retrouve, par ce côté, la faillite…
Auteur : lundimatin
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