Montagne et écologistes, une histoire d'amour qui dure

[Série 4/7] Alors que la neige manque, quel avenir pour le ski ? Réchauffement climatique, stations abandonnées ou en reconversion, nouvelles activités… Dans cette série, Reporterre fait le tour d’horizon des défis que doit relever la montagne.


« Je voulais à tout prix m’échapper pour retrouver dans la solitude ma force et le calme de mon esprit. Sans trop savoir où me conduisaient mes pas, j’étais sorti de la ville bruyante et je me dirigeais vers les grandes montagnes, dont je voyais le profil denteler le bout de l’horizon. » En 1872, rongé par l’échec de la Commune de Paris, de longues années d’exil et un passage en prison, le géographe libertaire Élisée Reclus s’est réfugié en Suisse. C’est au creux de ces vallées, face aux barres rocheuses et aux massifs enneigés qu’il bâtira ses premières réflexions écologiques, dont le monument Histoire d’une montagne.

« J’aimais la montagne pour elle-même, décrit l’anarchiste dans son livre. J’aimais sa face calme et superbe éclairée par le soleil quand nous étions déjà dans l’ombre ; j’aimais ses fortes épaules chargées de glaces aux reflets d’azur, ses flancs où les pâturages alternent avec les forêts et les éboulis, ses racines puissantes s’étalant au loin comme celles d’un arbre immense ; j’aimais tout de la montagne, jusqu’à la mousse jaune ou verte qui croît sur le rocher, jusqu’à la pierre qui brille au milieu du gazon. »

Depuis l’émergence des idées écologiques, un lien charnel unit ses penseurs à cet élément. Un amour, pétri d’admiration et de crainte. La montagne est un lieu d’attachement, elle donne à voir la beauté du monde, une nature sauvage, indomptée et puissante. Son immensité invite à l’humilité. Elle nous fait réatterrir. « Nous vivons comme des pucerons sur l’épiderme d’un éléphant », disait le géographe libertaire.

« Penser comme une montagne »

C’est en arpentant la montagne, donc, hors des sentiers battus et au grand air, que les écologistes ont réinterrogé les fondements de l’époque moderne. Ce territoire abrupt et austère a nourri leur intuition philosophique. En l’observant, ils ont compris que la Terre était vivante. Qu’elle travaillait de manière souterraine, comme une force tellurique, voire « un monstre cosmique », comparait l’écrivain Jean Giono dans les années 1930. Car, là-haut, tout vit et palpite. La pluie, le vent et l’orage sculptent à l’infini sa surface. Les terres que l’on croyait silencieuses exultent. Elles parlent un langage minéral, dans le murmure des torrents et le fracas des avalanches.

Que disent ces paroles sur nos existences et notre rapport au monde ? Comment apprendre à les écouter,…

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Auteur: Gaspard d’Allens Reporterre