En février 2022, alors que Poutine avait amassé des dizaines de milliers d’hommes aux frontières de l’Ukraine depuis des mois, quelles étaient les « analyses » qui prévalaient ? Certains ne croyaient pas à l’invasion ou tentaient de séduire Poutine, tandis que la plupart des services et gouvernements occidentaux prévoyaient la chute rapide de Kyiv. C’est dire que les points de vue fantasmatiques sur l’ex-Urss traversent les âges, dans tous les esprits, et plus profondément qu’on ne le pense généralement.
Or, de funestes erreurs d’analyse auraient pu être évitées si cette agression avait, a minima, été correctement nommée : il s’agit d’une guerre coloniale qui vise à la restauration d’un empire perdu ; cela aurait pu raviver la mémoire politique quant aux conditions qui permettent de gagner une telle guerre : ainsi, entre 1955 et 1975 au Vietnam, ce fut une mobilisation pendant de nombreuses années de toute la population envahie, son armement ou sa participation de manière diversifiée à la lutte (selon ses possibilités, ses qualifications et ses idées) et la construction d’une puissante opinion internationale d’opposition, y compris chez l’envahisseur états-unien.
À présent, les uns avancent que la Russie est proche de l’effondrement économique alors que les autres prétendent que son armée n’aurait plus les moyens de se renouveler. C’est commettre une double méprise, autrement dit, c’est faire bien peu de cas du « rouleau compresseur » soviéto-stalinien et de la réalité politique actuelle, surtout si Trump annule les sanctions et investit en Arctique russe, à défaut du Groenland, comme le lui propose Poutine. Les graves difficultés que les Ukrainiens endurent, et bientôt celles auxquelles les européens auront à faire face, découlent de la persistance de leurs illusions depuis vingt-cinq ans : des illusions fondées, comme souvent, sur d’énormes intérêts…
Auteur: dev